La sécurité, maillon faible de l’écologie politique ?

La Rochelle, 28 novembre, manifestation contre le projet de loi sur la sécurité globale. 1000 participants–diront les organisateurs–La Rochelle joue des coudes pour coller au peloton des grandes métropoles. Je ne parviens pas à trouver mes camarades EELV, bannière invisible et absence au micro devant la préfecture, lequel fait pourtant s’exprimer partis, syndicats et associations de gauche. On apprendra le lendemain que la CGT organisatrice avait tout simplement « oublié d’inviter » EELV. L’explication est peut-être à chercher du côté de la concurrence entre organisations et l’occasion nous est fournie de poser la question suivante : quelle est la doctrine de l’écologie politique en matière de sécurité publique ? Au-delà de sa position, mieux connue, sur la sécurité locale, faite d’un mélange de prévention et de proximité. La question est utile pour un mouvement qui se présente aujourd’hui en alternative de gouvernement. Serait-il possible de s’accorder sur les 5 points suivants ?

1) Il y a bien des violences policières et une dérive raciste d’une partie de la police. Le contrôle au faciès, pourtant dénoncé par le Défenseur des droits et condamné par la Cour de cassation, est une vieille histoire jamais résolue. Ces violences sont désinhibées par l’omerta, les négligences du contrôle interne et la protection en haut lieu. La réforme de l’institution (une IGPN indépendante ?) et la formation seraient des solutions, mais tant que la chaîne de commandement et le « patron » (Darmanin) couvriront les dérives, les vieux réflexes s’exprimeront chez certains. Avec pour conséquence l’affaiblissement déjà constaté de la confiance de la population envers la police.

2) Il y a bien une dangereuse extension du domaine sécuritaire depuis l’accession au trône de Macron. Secret des affaires, Gilets jaunes, terrorisme, manipulation de l’information numérique, manifestations, état d’urgence sanitaire : tout est prétexte à des lois orchestrant un virage ultra-sécuritaire. Les violences policières sont aussi l’expression visible de la dérive sécuritaire et identitaire d’un Etat qui attend de cette police qu’elle s’acquitte des « sales besognes ». Les politologues qui annonçaient la péremption du clivage droite-gauche en sont pour leurs frais : il existe une gauche plutôt libertaire(*) et une droite plutôt sécuritaire, laquelle a voté ces projets de lois successifs.

3) Cette dérive sécuritaire de L’Etat franchit les limites du droit et il faut la dénoncer sans relâche. Crime « de liberticide » autant que crime d’écocide. Quand le Conseil constitutionnel invalide partiellement la loi Anti-casseurs ou lorsque Amnesty International, les Nations Unies et le Parlement européen dénoncent l’usage offensif des armes mutilantes telles que le LBD40 et les grenades de désenclavement. Le tout alors que notre Président donne des leçons de vertu à la Hongrie et à La Pologne pour leur démantèlement de l’Etat de droit. Le dernier avatar de cette dérive « illibérale » française est cet article 24 qui pénalise la diffusion des images de policiers en exercice au mépris de la liberté de la presse. Il sera corrigé et le Conseil constitutionnel le rabotera sans doute, mais la doctrine d’un maintien de l’ordre plus musclé survivra. Une question simple se pose : si leurs syndicats sont si sûrs du comportement des policiers, pourquoi craignent-ils qu’ils soient filmés ?

4) L’état d’urgence sanitaire n’est qu’un épiphénomène sécuritaire. Ou plutôt, comme dans d’autres secteurs, un accélérateur des tendances politiques négatives déjà à l’oeuvre, en l’occurrence de cette dérive sécuritaire généralisée. Il est trop facile de dénoncer l’usage trop long ou trop intensif des mesures d’exception et de restriction sanitaire. Car l’Etat fait ce qu’il peut dans ce domaine et il répond à un besoin majoritaire de protection. L’histoire des épidémies nous a montré par exemple que le premier réflexe populaire était l’exigence de fermeture des frontières. Il s’est manifesté avec le coronavirus, comme un appel à ce que l’Etat prenne sa part de la fameuse « distanciation sociale ». Reconnaissons qu’en la matière le curseur entre sécurité et liberté est particulièrement difficile à placer. Et considérons que l’état d’urgence sanitaire est justifié à condition qu’il soit borné et que les mesures de contrôle soient strictement proportionnées aux risques encourus.

5) Il y a bien un mouvement spontané de violence de militants radicaux encagoulés mais il faut en dévoiler l’exploitation politique et en rappeler les racines. Darmanin exploite scandaleusement ces débordements pour justifier sa prise de muscle ultra-sécuritaire. Au point de ne plus annoncer après les manifestations que les chiffres d’interpellation des Black Blocs, ceux-ci lui permettant de masquer le caractère généralement pacifique des manifestations. Il faut sans cesse affirmer que ces débordements sont avant tout l’expression d’un désarroi social, d’une incapacité à trouver sa place dans la société et d’un désir de revanche contre une autre violence, celle d’un Etat générateur d’injustice, de précarité, de relégation urbaine et de frustration. Le traitement, au delà d’être sécuritaire et judiciaire, devrait être social et démocratique : plus d’égalité, de solidarité, de services et de voies d’expression de la parole citoyenne. Un tel traitement prémunirait Macron des excès des colères sociales qui éclateront lorsque les ravages économiques de l’épidémie se seront agrégés. Mais il lui ferait perdre une bonne partie des voix de droite que sa politique ultra-sécuritaire lui permet de siphonner dans la perspective de 2022. CQFD.

Patrick Salez

Coopérateur EELV

Poitou-Charentes

(*) J’insiste sur le « plutôt », il y a des variantes.

Une réflexion au sujet de “La sécurité, maillon faible de l’écologie politique ?

  1. Très belle analyse sur cette dérive sécuritaire que tu nous donnes Patrick
    Je pense que tu devrais intégrer la commission « Sécurité  » d’EELV pour construire le volet Sécuritaire d’EELV qui servira à alimenter le programme EELV, mais également pourrat être utilisé par nos sénatrices et sénateurs actuels, et par nos futurs députés.

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