Esprit du rond-point, ne sort pas de ce corps !

Parfois il est nécessaire d’utiliser des termes « vieillots », ainsi comme « nids douillets» pour qualifier un habitat ayant une dimension chaude et humaine. Aujourd’hui, l’expression « être bien chez soi » a pris une dimension plus fonctionnelle.

Ce nid douillet et rassurant était l’œuvre des femmes portées par l’amour de la famille, de la tribu ; c’était un travail gratuit et invisible pour la société. Aujourd’hui, après avoir obtenu une reconnaissance de leur statut de travailleuse, c’est elles qui portent « l’esprit du rond-point » (pas le rond-point en tant que tel) ; c’est toujours elles qui manquent le plus de reconnaissance sociétale et qui sont toujours le plus souvent assujetties aux tâches qui faisaient partie de l’environnement « tribal » et qui sont aujourd’hui confisquées par l’industrie et la finance.

Le travail gratuit et sa monétisation.

Ce qui fait tenir les ronds points, ce ne sont pas les manifestations avec leur excès, c’est la présence forte de ces femmes, prolongement culturel de tout ce qui a fait que, bon gré mal gré, leur culture est issue de l’échange, l’entraide et la solidarité. C’est ce qui anime aujourd’hui l’implantation de l’esprit des ronds points et sa diversification dans des implications multiples, manifestation des femmes Gilets jaunes, volonté d’implications fortes dans les futures élections, pérennisation du « foyer » rond point dans d’autres lieux et d’autres structures, etc.

C’est ce qui explique que, dans la plupart des mouvements spontanés, exprimant un mal-être, on remarque actuellement une forte présence féminine et aussi la joie de retrouver ces élans d’échange, d’entraide et de solidarité.

Culturellement, les deux sont liés. Le monde féminin confiné encore il y a peu dans une émancipation refusée, lui bloquant tout accès à une identité sociétale, était l’expression d’un travail « coopératif » bienveillant et dédié, réalisant les travaux nécessaires à la satisfaction des besoins fondamentaux de la cellule familiale ; cet engagement « laborieux » permettait ainsi la vie d’une tribu où l’échange, l’entraide et la solidarité étaient l’objectif.

Sans ce travail gratuit, le développement de l’ère industrielle n’aurait pu exister.

Que serait l’industrie sans cette activité invisible qui permet à des employés harassés après une journée exténuante de rentrer rejoindre le nid douillet de leur habitation ? Elle ne serait rien.

Sans ce nid douillet, fruit de ce travail ignoré, qui abrite ses enfants et où le travailleur reprend des forces, se réconforte, se cultive, se nourrit, l’employé ne pourrait pas assurer ses tâches pour son employeur.

Jusqu’à il y a peu, l’industrie n’avait rien contre ce travail gratuit tant qu’il n’y avait pas concurrence et qu’il apportait à ses employés un bien-être et une force de travail qui ne l’engageait pas.

Le mouvement d’émancipation des femmes, qui est la meilleure chose qui puisse arriver à toutes nos sociétés enfermées dans l’aveuglement de la ségrégation, s’est trouvé en phase avec la nécessaire et boulimique augmentation du volume du marché et son indice représentatif le PIB. Monétiser ce travail gratuit était une aubaine pour une industrie construisant sa force à partir d’une composante de plus en plus financiarisée.

On a donc à outrance additionné de la valeur ajoutée aux ingrédients de la nourriture avec l’industrialisation des plats préparés. On a rendu nécessaire toute une industrie du service à la personne, on a rendu inaccessible la compréhension de son corps et de sa santé, et fait disparaitre toute velléité d’émancipation sociétale de l’ensemble des individus, hommes et femmes confondus, en ne gardant que l’imagerie de la composante sociale admissible qu’est l’égalité homme-femme.

Diminuer les dépenses contraintes, créer un nouveau cadre de vie.

Mais aujourd’hui nous sommes au bout du modèle, l’égalité homme-femme est dans les faits encore un graal et la monétisation à outrance de la vie laisse peu de choix à beaucoup en dehors des dépenses contraintes ; d’où ce sentiment de pauvreté qui touche une grande partie de la population.

Pourtant, reprendre la main n’est pas inaccessible. Si on ne peut pas augmenter facilement le pouvoir d’achat, il faut diminuer les dépenses contraintes, désindustrialiser et « déservicer » notre vie, réapprendre et comprendre nos objets du quotidien et, pour cela, il faut du temps pour se réapproprier le temps gratuit que nous avons laissé se monétiser, en évitant l’écueil inacceptable de « remettre les femmes à la maison »… La semaine de 24 ou 28 heures pour tous me semble la meilleur voie. Cette organisation de vie doit être une démarche individuelle, sans attendre, dans le contexte actuel, une nouvelle loi ou réorganisation du droit du travail. Cela n’empêche pas, en plus, de revendiquer un environnement légal et bienveillant pour une telle démarche d’adaptation du temps de travail.

Pour optimiser socialement ce temps retrouvé et le vivre au mieux dans toutes ses dimensions, il est nécessaire ensuite d’occuper son « nid douillet » dans un contexte qui favorise l’échange, le partage et la solidarité. Décider d’habiter dans un habitat participatif, c’est aussi un engagement personnel. La loi Alur reconnait l’habitat participatif depuis 2014 en tant que « démarche citoyenne ». http://www.slate.fr/story/94095/habitat-participatif. Plusieurs personnes se regroupent pour réfléchir à un projet immobilier en commun et autogéré. Ensemble, ils vont concevoir un lieu qui correspond à leurs besoins et à leurs principes de vie. Ils devront ensuite gérer et entretenir leur lieu de vie. Les participants peuvent établir des règles de gestion durable pour leur logement, que ce soit pour les méthodes et les matériaux de construction ou pour les dépenses d’énergie au quotidien. Ils peuvent ainsi opter pour le label « bâtiment basse consommation », des panneaux solaires, la réduction des déchets ou des moyens de locomotion écologiques. La mutualisation des espaces communs (jardins, salle polyvalente, chambres d’hôtes, etc.) permet de réduire l’empreinte écologique pour les surfaces habitables. Les habitants disposent de logements privatifs réellement adaptés à leurs besoins et à leurs envies. La mutualisation des services (garde d’enfants, entretien des locaux, bricolage, aide aux personnes dépendantes, etc.) favorise les échanges et permet de consommer autrement, grâce au jardin partagé, quand cela est possible. L’ensemble de ces partages, de ces échanges et de ces solidarités permet aux participants de démonétiser une partie de leur vie.

Un lieu pour faire émerger la parole.

Le troisième volet est un volet d’optimisation sociétale de cette reprise en main. Il consiste à investir le champ de la commune ou de la communauté de communes, en créant partout des « maisons coopératives des citoyens et de l’écologie » (MaCCE) ayant pour objectif de faire émerger la parole de chacun, de construire une organisation sociale basée sur des valeurs d’usage commun, de promouvoir des alternatives culturelles et politiques, par le biais de l’autogestion, et d’avoir une réflexion transversale pour la mise en œuvre d’une politique écologique.

Cela peut être au minimum une pièce chez vous, comme le préconisait récemment un contributeur de l’infolettre de la Coopérative, ou aussi se faire attribuer voire investir des locaux appartenant à l’État ou à une collectivité. Il y a aussi des locaux non utilisés, des locaux vides. Beaucoup sont en attente de finalisation d’opérations. Pour les investir, cela peut se faire avec le soutien d’une pétition qui, par exemple, si elle a réuni 5% de signatures, peut faire l’objet d’un référendum local ou d’une occupation avec le soutien implicite de la population.

Christian Olive

Coopérateur EELV

Languedoc-Roussillon

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