Contre la transformation social-écologique, le chantage à tous les étages.

Le bruissement médiatique dominant installe l’idée que les citoyens ne sont pas prêts à renoncer à leurs habitudes de consommation et que toute politique écologique radicale est vouée à l’échec. Mais les pieds de plomb de la transformation social-écologique de notre société sont ailleurs, en particulier dans le chantage de plus en plus insupportable exercé par les appareils politique, économique et financier. Six formes de chantage au minimum.

1) Chantage à l’écologie punitive : l’écologie des Verts serait trop coûteuse pour les classes moyennes et populaires (voir la taxe sur le carburant) et trop contraignante. Comme s’il était impossible d’adapter socialement les mesures prises. Alors que la pandémie vient de montrer que l’on pouvait imposer des restrictions sans rejet massif de la population. Alors que 68% des Français se disent prêts à adopter des comportements écoresponsables. Alors que les mobilisations citoyennes convergent progressivement vers une exigence de justice sociale et climatique.

2) Chantage aux traditions populaires : les Verts s’attaqueraient au Tour de France et voudraient faire disparaître les fêtes de Noël. Est-il si honteux d’exiger que le Tour soit plus respectueux de l’environnement ? Et faut-il préciser que le maire de Bordeaux n’a pas interdit les sapins de Noël mais refusé de célébrer Noël en exposant un arbre mort dans le centre-ville, préférant financer la tenue de spectacles vivants ?

3) Chantage au progrès technique : le cas de la 5G est édifiant, Macron revenant sur sa promesse de moratoire faite devant la Convention citoyenne pour le climat. Les Verts sont accusés de refuser toute innovation, renvoyés à l’époque de la lampe à huile et classés « Amish ». Refuser ce progrès technique, ce serait se faire tailler des croupières par la Chine sur un marché particulièrement juteux. Mais au fait qu’en est-il du progrès humain ?

4) Chantage à la sauvegarde de l’emploi : les exemples sont légion, depuis le renoncement tardif au diesel, jusqu’à la dérogation à l’interdiction des néonicotinoïdes pour sauver la notre économie sucrière. Lobbying aidant (*), la crise sanitaire sert de prétexte au report de la transformation de notre économie, quitte à rester totalement hors des clous par rapport aux impératifs climatiques et sociaux. Alors que le rôle d’un Etat-stratège digne de ce nom est d’aider, par un soutien public massif, à la reconversion des emplois vers les secteurs verts stratégiques et les activités décarbonées (**). Alors que les énergies renouvelables et les filières bio et agroécologiques sont toutes plus riches en emplois que les filières conventionnelles.

5) Chantage aux actionnaires : les grandes entreprises se devraient, avant de réaliser des investissements verts, de rémunérer grassement les actionnaires pour afficher leur bonne santé financière et attirer du capital. Au mépris des règles de gouvernance collective et de cogestion faisant une place équitable aux employés. Isabelle Kocher, patronne d’Engie (fusion de GDF et de Suez), s’était fait licencier pour avoir voulu opérer un virage trop rapide vers les énergies renouvelables.

6) Chantage aux faillites bancaires : nos grandes banques fortement dépendantes des actifs bruns (***) seraient dans l’impossibilité d’intégrer rapidement le dérèglement climatique dans leurs choix d’actifs. Sous peine de blocage systémique et de faillite. Il existe pourtant des banques de défaisance et la BCE, par ailleurs, est prête à racheter les actifs « pourris », alors pourquoi pas les bruns ?

À vous de compléter la liste…

Patrick Salez

Coopérateur EELV

Poitou-Charentes

(*) Voir les exigences du MEDEF consistant à reporter la PPE (Programmation pluriannuelle de l’énergie) et la SNBC (Stratégie nationale bas-carbone). Voir la position de la Plateforme automobile face au durcissement des normes d’émissions de C02. Pour ne pas parler du lobbying européen.

(**) Cette reconversion aurait dû faire l’objet de conditionnalités dans la Plan de relance avec une plus forte concentration des investissements dans les secteurs verts stratégiques (rénovation thermique des bâtiments, mobilités douces, filières agroécologiques, …) au lieu de diminuer les impôts de production sur la production de gaz et les industries extractives. Et avec beaucoup plus que 800.000 euros (sur 100 milliards) consacrés aux plus précaires.

(***) Sur 10 euros de financement des énergies par les banques françaises, 7 vont aux énergies fossiles, 2 aux renouvelables, 1 au nucléaire et à l’hydraulique.

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