Attention mesdames et messieurs, le spectacle de la relance verte va commencer !

L’écologie politique a dû affronter toutes sortes de prototypes de climatosceptiques. À mesure qu’elle devient plus forte, plus convaincante, ses contempteurs se font plus féroces. Elle a surtout trouvé son Grand illusionniste. Car Macron a une façon très personnelle de tirer les vertes leçons des municipales et de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), intensifiant les effets de manche écologiques des trois dernières années. Cette stratégie, appelée relance verte, tient en sept tours de magie consistant à faire croire que l’on a mesuré l’impérieuse urgence, alors que l’on ne fait rien ou si peu.

Tour n°1 : réinventer la démocratie participative. Fort d’avoir entendu les Gilets jaunes, Macron lance, bien après le grand débat national, une CCC qui travaillera neuf mois pour présenter une série de propositions, dont quasiment toutes avaient déjà été élaborées par des ONG, collectifs, scientifiques, députés ou partis à vocation écologique. La démocratie pour gagner du temps !

Tour n°2 : entretenir le flou. Un bon exemple, le nucléaire, grand absent des analyses de la CCC. Au-delà de la fermeture de Fessenheim décidée par son prédécesseur, impossible de distinguer les intentions profondes du Président sur l’avenir du nucléaire, le renouvellement des centrales existantes, l’évolution de la structure d’EDF et les enjeux des EPR. Il annonce un nouveau mix énergétique, mais lequel exactement ?

Tour n°3 : faire mine de découvrir ce qui existe déjà. Exemple n°1, l’objectif ZAN (Zéro artificialisation nette) que l’on promet d’atteindre, alors qu’il existe déjà dans le plan biodiversité de 2018. Exemple n°2, le plan vélo qui figure dans la loi d’Orientation des mobilités (LOM). Exemple n°3, l’extension des ZFE (Zones à faibles émissions) interdisant les centres-villes aux véhicules les plus polluants. Sauf que celles annoncées auparavant n’ont pas toutes été réalisées, donnant lieu à pression du Conseil d’État et amende de la Commission européenne.

Tour n°4 : jouer habilement de l’échelle de temps, en allongeant les délais de mise en œuvre. La transition écologique, nous dit le Président, est un chantier de longue haleine. Ainsi le calendrier de mise en œuvre des 146 propositions acceptées de la CCC est déjà repoussé, un texte devant être présenté à la concertation à l’automne pour être examiné en 2021. Quant à la nécessaire réforme de la fiscalité écologique, elle est remise à 2022, c’est-à-dire à la prochaine mandature.

Tour n°5 : promouvoir la compensation carbone. Un joli subterfuge consistant à compenser les émissions de carbone issues des énergies fossiles par des plantations d’arbres. Un droit d’investir dans le marron, du moment que l’on investit dans le vert, neutralisant ainsi le bilan carbone. Compenser c’est un peu comme si on donnait un permis de chasse pour certaines espèces tout en faisant promettre au chasseur de bichonner les autres espèces. Compenser c’est plus facile qu’éviter ou réduire(1). Et la compensation est trop mise en avant par les entreprises (cf. Air France) pour être tout à fait honnête.

Tour n°6 : se déguiser en champion de l’Europe. Le Président nous rappelle à juste titre que de nombreuses propositions de la CCC sont de niveau européen : taxer l’empreinte carbone aux frontières, faire évoluer les accords commerciaux et renégocier le CETA, réviser la PAC en faveur de l’agroécologie et d’une production autonome de protéines végétales. On pourra compter sur lui pour porter haut ces revendications ! Le problème est que l’évaluation du CETA qu’il prétend exiger à Bruxelles a déjà été effectuée par la commission Schubert en 2017 et que son rapport concluait à l’absence de cohérence du CETA avec l’Accord de Paris. Le problème, plus généralement, est qu’il doit composer des alliances avec d’autres chefs d’État et de gouvernement et donc s’aligner sur un plus petit dénominateur commun négocié dans le temps long. Toutes choses que notre Magicien sait pertinemment.

Tour n°7 : placer le ministère de l’écologie tout en haut de l’affiche, au n°3 du gouvernement. Un affichage de volontarisme écologique qui ne franchira pas le seuil de l’action. Car, pour agir, il fallait ajouter les compétences « énergie » ainsi qu’« alimentation et agriculture » au portefeuille de la nouvelle ministre, ce que Total et la FNSEA bien entendu n’auraient pas accepté. Il fallait également s’assurer d’un rapport de force équilibré entre ministres de l’écologie et de l’économie, ce qui ne sera pas le cas, Bruno Le Maire étant puissant, car bien installé dans sa fonction.

Pendant que le Grand magicien officie, l’horloge carbone continue à tourner, inexorablement. Me viennent alors des pensées attendries pour Barbara, Dany, François, Pascal et la flopée de pseudo-écolos Macron-compatibles qui ont su préserver leur âme d’enfant et ne demandent qu’à croire et croire encore aux tours de magie.

Patrick Salez

Coopérateur EELV

Poitou-Charentes

(1) « Éviter, réduire et compenser » est une méthode gouvernementale de prise en compte de l’impact environnemental des décisions publiques et activités économiques s’inscrivant dans un objectif de développement durable.

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