Les néo-conservateurs américains sont de retour! Ils se sont trouvé un nouveau héraut en la personne de Donald Trump. Après le retrait de l’Accord de Paris sur le climat et, aujourd’hui, la dénonciation de l’accord sur le nucléaire iranien, l’Amérique veut reprendre son rôle « d’hyper puissance » sur le dos de l’Europe. La diplomatie des accolades calculées et des poignées de main viriles n’aura en rien modifié la détermination des « faucons » trumpistes à soumettre le monde à la loi du plus fort. « Make America great again »! A l’Est, les tentations hégémoniques de la Russie et de la Chine s’affirment brutalement.
L’Europe s’est enfermée dans ses frontières
Face au chaos géopolitique qui se dessine, l’Europe d’aujourd’hui n’est pas en mesure de proposer un modèle alternatif crédible et susceptible de contrebalancer une nouvelle logique impériale. Près de trente ans après la chute du Mur de Berlin, qui leva l’espoir d’un monde ouvert et plus démocratique, l’Europe s’est enfermée dans ses frontières par peur d’une « immigration massive » venue du Sud. La Méditerranée est devenue un « mur liquide », symbole de la tragédie des migrants fuyant les guerres et la misère. Les lobbies, qui détruisent notre environnement et nous empoisonnent, n’ont jamais été aussi puissants. Les inégalités sociales et environnementales ont explosé. L’effondrement de la biodiversité apparaît comme une cruelle évidence. Les populismes prospèrent sur les renoncements et la lâcheté de dirigeants européens plus soucieux d’exister sur la scène nationale que de construire une souveraineté partagée au service de l’intérêt général européen.L’Europe est menacée par la violence d’un modèle de « développement », qui; au nom de la poursuite effrénée de la croissance, détruit la nature et les humains. Pour répondre à cette fin de cycle économique, social, environnemental et démocratique, deux visions se font face : le statu quo ou le repli national.
Le contexte international exige de proposer une alternative, un nouveau projet de société, partagé, au niveau européen
Le premier consiste à maintenir coûte que coûte l’Europe telle qu’elle est, en l’incitant à céder davantage encore aux exigences des « lois de l’économie », qui ne sont votées par personne, mais qui, pourtant, s’imposent à toutes et tous: Concurrence, libéralisation, métropolisation, gouvernance technocratique, individualisme, financiarisation de l’économie. Telles sont les valeurs du « cercle de la raison » dans lequel ont convergé libéralisme et social-démocratie et dont le crédo est « There is no alternative ». Face à cette grande coalition, le repli national, de gauche comme de droite, propose comme remède le retour aux États-nations et à une souveraineté nationale censée servir de rempart aux menaces du libéralisme…Comme si la prédation capitaliste et productiviste, les pollutions, l’extinction de la biodiversité, les inégalités et l’affaiblissement de la démocratie connaissaient les frontières! Ces deux visions conduisent au même désastre : l’Europe des populismes, du renoncement et, au final, de la soumission. Nous ne pouvons accepter cette fatalité. Le contexte international exige de proposer une alternative, un nouveau projet de société, partagé, au niveau européen. Il repose sur trois piliers : écologie, démocratie, territoires et justice sociale.
1/ L’Europe doit initier un nouveau cycle de coopération autour du projet fédérateur de l’écologie : préserver les ressources naturelles, « renaturer » l’espace européen, responsabiliser les entreprises et les collectivités en modifiant le droit européen qui instituerait une protection des « communs » et introduirait la notion « d’écocide » afin de prévenir et de punir les crimes contre notre environnement, de renforcer la protection des citoyen·ne·s liés aux enjeux de la santé environnementale. Déployer une économie alternative au service de l’humain : résiliante, localisée, circulaire, riche en emplois de qualité, sociale et solidaire, sobre en nuisances environnementales.
Nous défendons une Constitution européenne lisible, courte, qui redonne sens et mouvement à la construction européenne
2/ Tout est fait pour que les citoyennes et les citoyens européens soient mis en demeure de choisir entre ces deux fléaux : l’establishment ou le repli nationaliste. Parce que nous refusons ce choix, nous exigeons une chose simple : une Europe démocratique. Cela signifie la naissance d’une souveraineté européenne, exercée par les représentant·e·s directs des citoyen·ne·s européen·ne·s, c’est-à-dire le Parlement européen. Nous défendons une Constitution européenne lisible, courte, qui redonne sens et mouvement à la construction européenne. 3/ Le modèle européen, économiquement libéral, libre-échangiste et chantre de la concurrence, abandonne les territoires réels au profit d’un univers virtuel mondialisé où les capitaux et les marchandises circulent quand les femmes et les hommes deviennent captifs de leurs conditions et de leur lieu de vie et sont « assignés à résidence ». Les territoires jugés « non-compétitifs » sont délaissés. A coté d’une souveraineté européenne assumée, nous plaidons pour le droit donné aux citoyennes et aux citoyens de décider pour les enjeux qui les concernent, à l’échelon adapté. C’est ainsi que le régionalisme s’articule harmonieusement avec la notion de souveraineté européenne. Notre défense des territoires s’inscrit aussi dans une logique de justice sociale, de solidarité et d’ouverture: Justice sociale par la défense des services publics et la lutte contre les inégalités et les discriminations, solidarité à l’intérieur et entre les territoires et ouverture sur le monde, avec la mise en œuvre d’une politique européenne d’accueil des migrants qui seront de plus en plus nombreux à frapper à nos portes en raison des conflits, des inégalités Nord-Sud et du réchauffement climatique.
Une autre Europe est possible et nécessaire. A nous de la construire, ensemble.
Nous affirmons que l’enjeu pour les prochaines élections européennes est de structurer cette offre alternative. Nous la voulons attractive pour faire entendre la voix d’une Europe écologique et solidaire, une Europe qui renoue avec les principes de l’hospitalité, qui lutte contre les inégalités et la précarisation des plus vulnérables; une Europe qui résiste aux lobbies; une Europe des régions et des territoires, une Europe qui se dote des outils politiques pour s’imposer aux égoïsmes nationaux, poison de ce début de siècle. En cela nous nous opposons à la fois à ceux qui pensent que rien ne doit changer et à ceux qui pensent qu’il est trop tard pour changer. Jamais peut être, face à la conjonction des crises énoncées, le besoin d’une force écologiste et européenne n’a été aussi important. Seule la réalité d’un rapport de force culturel, militant, politique et au final électoral nous permettra de montrer qu’en France les pro européens veulent une autre Europe que celle qui se construit aujourd’hui, Europe libérale, Europe forteresse, et Europe de la crise climatique. Entre cette dérive là et le replis national, nous affirmons qu’une autre Europe est possible et nécessaire. A nous de la construire, ensemble.
Les signataires de la tribune :
Julien Bayou (Porte-parole de EE-LV), Esther Benbassa (Sénatrice écologiste de Paris, universitaire), Damien Carème (Maire de Grande-Synthe), David Cormand (Secrétaire national de EE-LV), Alain Coulombel (Secrétaire national adjoint de EE-LV), Karima Delli (Députée européenne), François Gemenne (universitaire), Claude Gruffat (Président de Biocoop), Yannick Jadot (Député européen), Eva Joly (Députée européenne), Joël Labbé (Sénateur écologiste du Morbihan), Philippe Lamberts (Député européen, Co-Président du Groupe Verts-ALE au parlement européen), Noël Mamère (écologiste), Dominique Méda (sociologue), Thomas Porcher (économiste), Sandra Regol (Secrétaire nationale adjointe et porte-parole de EE-LV), Michèle Rivasi, (Députée européenne), Marie-monique Robin (journaliste, écrivaine, réalisatrice), Barbara Romagnan (militante Génération.s), Clément Rossignol (Maire de Bègles), Marie Toussaint (Déléguée à l’Europe de EE-LV), François Veillerette (écologiste)