Face à la recrudescence de publications fantasques sur les
« ultra-violents » de la zad et aux questions qui nous sont posées à ce
sujet quotidiennement par des journalistes, tout au moins quand ceux-ci
prennent le temps de demander l’avis des personnes visées, nous envoyons
ci-dessous une mise au point. A bon entendeur/euse.
/ Le groupe presse de la zad.
—– Communiqué
/// Tapis dans le bocage : la vérité sur les armes secrètes des
« zadistes »
Alors que l’hypothèse d’un abandon officiel du projet d’aéroport se
dessine enfin, on assiste en parallèle à une campagne politique et
médiatique de diabolisation des « zadistes ». A partir de quelques photos
et informations diffusées par des services de gendarmerie, nous voyons,
depuis quinze jours, enfler des fables reprises sans aucune gêne
d’articles en plateau télé par une cohorte d' »analystes », élu.e.s et
journalistes. Ceci sans que les un.e.s ou les autres semblent souvent se
préoccuper de vérifier quoi que ce soit avant publication.
Dans une atmosphère digne d’une mauvaise Cendrillon, un puits se
transforme alors en tunnel viet-cong, des bâtons plantés dans un talus
en une herse sanguinaire, des zadistes kamikazes attendent du haut des
arbres pour mourir en se jetant sur la police et les sentiers empruntés
quotidiennement par tout un chacun sur la zad sont piégés de toute part.
Au final, la zad serait habitée par une bande de 150 fous furieux tapis
depuis des années dans le bocage le couteau entre les dents, occupés à
essayer tant bien que mal de souder dans la boue des lames de rasoir sur
des boules de pétanque. Il arrive heureusement parfois que des
journalistes fassent aussi leur travail et que certains des mensonges
les plus grossiers soient démasqués : le couple mascotte de riverains
indignés contre la zad au printemps 2016 étaient de faux voisins ; le
JDD a dû s’excuser mardi pour ses fausses « photos secrètes des armes de
la zad »…
Ce n’est pas la première fois que nous avons à faire face à ce type de
campagnes médiatiques, qui nous informent avant tout sur les fantasmes
de leurs auteurs. Leurs boniments hargneux peuvent bien nous faire rire
parfois lors des veillées hivernales. Mais nous n’oublions pas,
qu’au-delà de vendre du papier, ils appuient des objectifs précis et
pourraient avoir des conséquences funestes.
Pour préparer l’opinion à une éventuelle évacuation de la zad, il faut,
de nouveau, créer l’image la plus étrangère et la plus anxiogène
possible des personnes que l’on s’apprête à réprimer. Il s’agit
d’opérer, dans les représentations, le glissement de la catégorie de
« militant.e.s » vers celle de « terroristes ». Ce que le tableau des
« djihadistes verts » vient alors légitimer, c’est que l’on emploie
éventuellement demain des moyens de répression extrêmement brutaux et
possiblement inédits contre nous.
On retrouve dans tous ces récits la traduction d’une volonté classique
de diviser un mouvement, en tentant de stigmatiser et d’isoler de leurs
alliés les franges qui apparaissent comme les plus gênantes. Il faut
dire qu’il y a visiblement dans ce pays une foule de décideurs pour qui
la zad et le mouvement anti-aéroport représentent dans leur ensemble un
insupportable affront. Pour ceux qui sentent bien que, pour une fois, le
vent pourrait tourner en leur défaveur, le mot d’ordre semble clair:
« Aéroport ou pas, vengez nous au moins des zadistes ! ». Et ce quand bien
même le sens de la décision annoncée par le gouvernement finirait par
donner raison à celles et ceux qui auront défendu ce morceau de bocage.
Mais si la question de l’évacuation de la zad est restée depuis 2012
ingérable pour l’Etat, cela n’a jamais tenu en soi à la question de 150
soi-disant « ultra-violents », finalement aisément éjectables en d’autres
circonstances. Ce que celles et ceux qui crient au loup cherchent à
gommer c’est que le gouvernement fait face depuis des années à un
mouvement populaire impliquant des voisin.e.s et des paysan.ne.s, des
associations et des groupes informels, des syndicats ou des comités de
soutien dans toutes la France. Et ce mouvement, dans toute son
hétérogénéité, a l’insolence de s’être donné les moyens de faire front
commun. Si le ministère de l’Intérieur, à l’automne dernier, prévoyait
en cas d’expulsion de mobiliser jusqu’au deux tiers des effectifs
policiers disponibles dans ce pays, ce n’est pas parce qu’il devrait
régler le problème d’une quelconque avant-garde combattante isolée, mais
bien parce qu’il ferait face à des dizaines de milliers de personnes
prêtes à résister sur le terrain. Ces dizaines de milliers de personnes
ce sont, entre autres, celles qui sont venues planter leurs bâtons le 8
octobre 2016 sur le sol de la zad et qui demain, si le gouvernement
s’entêtait, seraient partout sur les routes et dans les champs pour
arrêter la police et les tractopelles. Ce sont aussi toutes ces
personnes qui aux quatre coins du pays iraient occuper leur mairie, leur
préfecture ou les places de leur ville en signe de protestation.
Cette détermination n’a rien de nouveau. Déjà à l’automne 2012, 2000
policiers avaient été mis en échec par des semaines d’opposition
physique extrêmement hétérogène – des personnes derrière des barricades
ou dans des cabanes dans les arbres, d’autres allongées sur les routes
ou entrelacées sur les toits des maisons, des tracteurs enchaînés et des
chantiers constants de reconstruction. Ce que cette résistance
improbable avait alors suscité c’était un élan de soutien massif dans
toute la région. Ce qui a changé depuis 2012, c’est que la zad est
devenue plus emblématique encore et que les solidarités multiples
qu’elle suscite se sont densifiées.
Dans le fond, ce que la focalisation pour les « pièges cachés » et les
« boules de pétanque » cherche à mettre sous le tapis c’est qu’il ne
s’agit pas simplement pour les habitants et usagers de la zad, anciens
et nouveaux, d’empêcher la destruction d’un territoire mais aussi de
réinventer d’autres mondes possibles. A ce niveau, il convient de
préciser qu’il n’y pas sur la zad des « ultra-violents » d’un côté et des
« néo-ruraux » de l’autre, mais une diversité de personnes déterminées à
vivre et lutter ensemble. Nous ne séjournons pas dans des casernes mais
construisons pas à pas depuis des années des formes de vie, d’habitat et
d’activités fondées sur le partage, la rencontre, le soin du vivant et
des biens communs.
Pour tous ceux qui, derrière leurs beaux discours, comptent bien
continuer à tirer profit de la destruction des ressources naturelles,
des inégalités croissantes et de la domestication des populations, il
est visiblement inacceptable que quiconque essaie de s’organiser – de
manière un tant soit peu visible et conséquente – à contre courant de
leurs valeurs mortifères. Et pourtant, on peut parier, face à un monde
qui va droit dans le mur, que ce qui se tente concrètement sur la zad de
Notre-Dame-Des-Landes – et dans d’autres espaces – pour reprendre sa vie
en main, continuera à être jugé essentiel et soutenu par un nombre de
plus en plus important de personnes.
Des habitant.e.s de la zad.