Le sujet des retraites est désormais un combat entre deux forces : les institutions et la représentation sociale. On aime bien la compétition : qui va gagner ? En fait, le sujet des retraites, qui ne correspondent en définitive qu’à une période de vie institutionnalisée par notre manière de vivre, devient, pendant le temps d’un match, l’enjeu principal. A côté, alors que nous sommes pressés par les enjeux climatiques, de biodiversité et de citoyenneté, nous remettons à plus tard le nécessaire travail de réflexion, de coopération et d’action qui devrait remettre en cause notre manière de vivre, de travailler, d’apprendre.
La retraite, telle qu’on la conçoit dans un monde réglé par l’économie, existera-t-elle encore longtemps, si notre manière de vivre devient écologique et se construit sur la coopération, comme 90 % de la nature ?
Envisager de la réformer sans prendre en compte de nouveaux paramètres, penser que les paramètres existants seront encore longtemps immuables est vraiment dérisoire. On joue petit en rentrant dans le jeu de cette compétition. Arrêtons-la.
La contribution qui suit est de Jean Marc Denjean, membre du Parti EELV. Je l’ai trouvée tellement en phase avec nos préoccupations de citoyens écologistes, qui privilégient la coopération politique, que je me permets de vous la faire suivre.
Christian OLIVE
Coopérateur EELV
Languedoc-Roussillon
Le vrai sujet qui fâche est la création d’un âge pivot qualifié d’équilibre dont la finalité est d’aggraver, sans le dire, les réformes antérieures ayant abouti à une diminution des pensions et de fait à un recul de l’âge effectif de départ à la retraite. Nous sommes ici dans le cas d’une réforme systémique qui dissimule une réforme budgétaire qui vise, en fait, à combler le déficit créé par les cadeaux fiscaux accordés aux détenteurs de capitaux et les réductions de cotisations sociales. Théoriquement, un système de répartition par point pose seulement deux questions, l’âge minimum d’ouverture des droits (qui peut être variable selon les métiers exercés), aujourd’hui de 62 ans, et la valeur du point qui peut être garantie par la solidarité nationale (l’impôt). La définition d’un niveau de pension minimum pour une carrière complète (1000€ annoncé) n’a guère de sens puisque ce cas de figure est en fait complètement théorique et ne correspond plus à la situation de la plupart des personnes ayant atteint aujourd’hui 62 ans. La bonne question est celle d’un revenu de base garantie tout au long de la vie, ce qui soulève la question d’une refonte globale de notre modèle de protection sociale et la mise en cohérence du système de retraite avec les différentes formes de revenus de substitution aux revenus d’activité existant ou à venir : prime d’activité, minima sociaux, indemnisation du chômage, bourses d’études…
En effet, dans une société désormais très majoritairement salariale, marquée par une précarité croissante des individus et une plus grande instabilité professionnelle, une économie qui s’installe dans la post-croissance, une démographie stable, la solidarité ne peut plus être abordée de manière sectorielle ou par tranche de vie mais doit s’inscrire dans une continuité tout au long de la vie en visant à réduire les inégalités et prévenir les risques sociaux liés notamment à la transition écologique de la société. De ce point de vue, la tactique du saucissonnage des réformes mises en œuvre par Macron vise à empêcher toute approche globale du modèle social en débat, à faire le lien entre tous les projets gouvernementaux qui n’ont qu’un seul objectif : satisfaire le dogme libéral de la réduction de la dépense publique et de la dépense sociale pour réduire les prélèvements obligatoires jugés excessifs. C’est ainsi que le débat sur les retraites a été déconnecté de celui de l’indemnisation du chômage, du Revenu universel d’activité, de la politique de couverture des soins et de l’offre de service de la santé, de la politique familiale, du logement social et des aides personnelles au logement, du financement de la dépendance et j’en oublie. Le bonneteau fiscal et social devient l’exercice favori du gouvernement, les économies réalisées dans un domaine se traduisant par des charges supplémentaires par ailleurs.
Nous devons donc resituer le débat sur les retraites dans le cadre de l’objectif global d’un revenu décent tout au long de la vie, intégrant la politique familiale et reposant sur le concept de revenu universel de base garanti tout au long de la vie. De ce point de vue le paramètre de calcul du trimestre travaillé ou de meilleures années perd en grande partie de son sens si on intègre les périodes d’études, de formation, de congés de longue durée, de chômage et de temps partiel subi, d’activité d’aide familial, d’activités bénévoles socialement utiles. Il faudra bien trouver une unité de compte universelle. Le socle de calcul ne pourra plus être le seul temps de travail salarié effectué, sauf à maintenir les inégalités générées par le système salarial. La prise en compte des contraintes horaires, des conditions de travail et de la pénibilité nécessite une évaluation qualitative mais aussi une autre approche des parcours professionnels prenant en compte prioritairement le facteur santé. La question du temps de travail (et donc du temps libre) à l’heure de la révolution numérique doit être au cœur de notre réflexion. Le cloisonnement administratif des statuts (étudiants, salariés, chômeurs, travailleurs indépendants, retraités) ne correspond pas à la réalité de la « vraie vie ». Bref, le débat est ouvert et de ce point de vue, EELV peut être le mouvement de l’innovation sociale à l’écoute de la société et en premier lieu du mouvement syndical dans toute sa diversité.
La question des régimes dits spéciaux relève d’une logique spécifique. Leur instrumentalisation par le pouvoir pour diviser les salariés est un des aspects les plus choquants de la propagande gouvernementale. Les notions d’obligation de service et de continuité de service qui sont l’essence du concept de service public introduit en effet une différence qualitative dans le statut professionnel des activités concernées. Elles induisent des contraintes particulières. La notion de service public ne se réduit pas, d’ailleurs, à la seule fonction publique. La réforme de celle-ci, de son système de recrutement, de carrière et de rémunération est par ailleurs un préalable nécessaire à toute réforme du système de retraite des fonctionnaires.
Pour nous résumer, il importe aujourd’hui de se mobiliser pour le retrait du projet gouvernemental en l’état et exiger l’ouverture d’un grenelle social (retour à l’origine de l’histoire) pour refonder notre modèle social de solidarité et de justice en phase avec les mutations en cours (transition écologique, révolution numérique, société de la post croissance).
Jean-Marc Denjean
Bonjour,
Le débat est encore plus faussé dès lors qu’on prononce le mot retraite. Si l’écologie c’est la coopération, et si l’humanisme se base sur la dignité humaine, tout citoyen devrait bénéficier d’une garantie de revenus sur toute sa vie, avant toute autre affectation des biens et services créés sur le sol français!. Cela existe « grosso modo » mais les mailles du filet social trop larges laissent toujours passer bien trop d’accidentés de la vie. Or si on parle d’une garantie de revenu, à partir d’un âge fixé (ou anticipé si la personne est médicalement incapable de travailler à plein temps) , il faudrait donc qu’à la place de « retraite », TOUT LE MONDE, ait une garantie de revenu (par exemple les 1000€ dont on parle à 60ans) . Pour 17,5 millions de personnes cela fait 211G€ soit par rapport à un PIB de 2280G€ 9,4%. Ceci devrait être financé intégralement par la fiscalité.
Actuellement les retraites versent 328G€ soit 117G€ de plus. C’est de l’argent des salariés (la part dite patronale des cotisations sociales ne correspond même pas aux augmentations de salaires qui auraient dû être faites pour maintenir le pouvoir d’achat au moment où le régime général a été créé, augmentations rabotées ce qui par un tour de passe passe a permis au patronat de s’inviter aux caisses sociales sans réellement rien débourser. Qu’on le rende aux salariés et qu’ils en fassent l’usage qui LEUR convient et non pas celui qui convient au gouvernement ou au patronat!
Bien évidemment, la majorité des français pense, à juste titre que 1000€ par mois c’ est insuffisant, surtout selon l’évolution des prix, du mode de vie et du pouvoir d’achat qui en résulte. Quel est le problème? il faut donc créer un système universel par répartition qui fournisse à toutes les personnes cessant totalement (voire partiellement, ce qui permettrait de recréer la cessation progressive d’activité) de travailler le revenu qu’elles espèrent.
Puisqu’on parle de revenu, il suffit donc à chacun de fixer un montant venant s’ajouter à la garantie de revenu, et de présenter la facture. Pour éviter que les cigales se trouvent dépourvues une fois la bise venue, un système minimum obligatoire permettra de faire fonctionner le système. Chacun pourra éventuellement abonder de rentrées exceptionnelles, instantanées ou temporaires, …. sous réserve que la transparence règne et que les sommes ainsi « placées » dans le système de retraite bénéficient bien dans le futur aux assurés, ce qui veut dire que ce système doit être géré exclusivement par les bénéficiaires, sans intervention de l’Etat (toujours prêts à piocher dans les poches des tiers) et surtout pas des entreprises absolument plus concernées, sauf par l’obligation de verser des salaires décents (mais ça c’est aux salariés de se syndiquer pour se faire respecter!)
Il semble tout à fait normal que la France consacre à ses plus de 60ans qui ont fait le plus gros de leur production de richesses, mais qui peuvent encore en produire, le même pourcentage du PIB que celui de leur nombre à la population générale, même si on atteint 30% (https://www.globalmapsolution.com/carte-du-mois/vieillissement-population )