Rassembler la social-écologie autour d’une Charte politique.

Nous sommes nombreux à nous interroger sur les perspectives d’un pôle de la social-écologie capable de peser significativement en 2022. Il ne s’agirait pas, comme nous le propose Emmanuel Macron, de « remettre l’écologie au centre du modèle » mais bien de changer de mode de production, de consommation et donc de vie (*). De proposer un modèle qui rassemble les organisations politiques et qui fasse sens auprès d’une frange croissante de citoyens désireuse d’une réponse forte à l’extrême urgence climatique, sociale et démocratique.

Nous avons pu croire qu’un grand rassemblement de ces forces politiques pouvait se dessiner autour d’un Green New Deal dont l’origine remonte aux néo-keynésiens britanniques lors de la crise de 2008 :

– Green New Deal de la 3ème révolution industrielle promue par le très technophile Jeremy Rifkin, fondé sur l’extension du numérique aux réseaux d’énergie et de transports intelligents ainsi que sur la réorientation des flux de capitaux au profit des énergies renouvelables ;

– Green Deal (Pacte Vert) de la Commission européenne, auquel souscrit volontiers Emmanuel Macron, organisant la réduction des émissions de carbone, mais excluant la dimension sociale et toute réponse à la croissance continue des inégalités mondiales ;

– Pacte Finances-Climat de Nouvelle Donne et de Jean Jouzel, proposant un financement massif de la sortie des énergies fossiles par le biais d’une banque « Climat » (filiale de la BEI) levant 1000 milliards d’euros par an et doté d’un budget européen annuel de 100 milliards d’euros, alimenté par une taxe sur les bénéfices des entreprises ;

– Green New Deal porté par Aurore Lalucq, eurodéputée issue de Place Publique, inspiré de Naomi Klein et d’Alexandria Ocasio Cortez, liant (enfin) investissements publics dans la transition énergétique, forte taxation des hauts revenus et garantie d’emploi assurant la reconversion des travailleurs des secteurs touchés par la transition.

Cette option ne résiste pas à l’analyse car elle repose, toutes nuances de vert et de rose confondues, sur l’idée d’une création massive de croissance verte et d’emplois et sur celle d’un découplage rapide entre croissance et émissions de gaz à effet de serre. Surtout, elle ne répond pas aux trois urgences rappelées ci-dessus et ne s’inscrit dans aucun projet de société. Le projet de société dont nous avons besoin, articulant transition écologique, mécanismes de solidarité, assurant une redistribution sociale massive, et renouveau démocratique.

Non, si un socle idéologique commun peut se mettre en place, il est à chercher du côté d’une Charte à signer par toutes les organisations à vocation social-écologiste. Une telle charte pourrait reposer sur les 10 principes politiques suivants :

  • rupture avec le productivisme et l’extractivisme (ex : conversion à l’agriculture paysanne et à l’agroécologie) ;
  • décroissance sélective et décarbonation de l’économie ;
  • promotion de l’économie de l’usage et du partage (ESS, économie collaborative, etc.) ;
  • défense et appropriation collective des biens communs ;
  • régulation de la finance et redistribution sociale massive ;
  • réduction du temps de travail et valorisation du temps libre ;
  • protection du Vivant et des équilibres naturels ;
  • rupture avec le consumérisme en faveur de la convivialité et du Bien Vivre ;
  • transition énergétique et bouclier de services dans les territoires ;
  • mise en œuvre d’une 6ème République démocratique et décentralisée.

Une fois ce langage commun établi, il faudra définir la forme la plus adaptée pour opérer le rassemblement. Une solution novatrice, permettant de sortir des formes classiques du type plateforme, fédération ou front commun, est l’archipel. Je ne reviendrai pas sur les origines et les caractéristiques de cette structure et de son mode de gouvernance qui ont fait leur preuve pour rassembler des collectifs et des mouvements sociaux (cf. Osons Les Jours Heureux). La question qui se pose urgemment est de savoir si l’archipel est adapté au rassemblement d’organisations politiques et non pas seulement citoyennes. L’instance des Assises de l’écologie et des solidarités tente actuellement d’y répondre de façon expérimentale mais cette noble initiative se heurte à trois obstacles :

– le poids des cultures historiques de certaines organisations qui bloque le processus de mise en commun et génère des formes de crispation identitaire ;

– une certaine défiance vis-à-vis du modèle de gouvernance horizontale, dépourvu de leadership « de domination » (le chef) propre à l’archipel ;

– un désintérêt affirmé du groupe majoritaire du Bureau exécutif d’EELV, vraisemblablement par peur que ce rassemblement ne lui échappe et ne vienne contredire l’autopromotion systématique de Yannick Jadot dans la perspective de 2022. Et, autre facteur de désintérêt, le fait que de petits êtres insignifiants, aussi novices en politique que balbutiants en militantisme, nommés coopérateurs/trices, aient pris une place non négligeable dans la réflexion collective, contribuant ainsi à la décrédibiliser totalement.

La structure et le mode de gouvernance du pôle de rassemblement étant mis en place, on pourra délibérer sur « les sujets qui fâchent » en tentant de délimiter des convergences :

  • quels secteurs de décroissance faut-il rendre prioritaires ?
  • quel investissement financier et quelle répartition public/privé faut-il envisager pour assurer la transition social-écologique ?
  • en ce qui concerne les transports publics urbains, faut-il choisir la gratuité ou la tarification sociale et solidaire ?
  • faut-il expérimenter plus largement le revenu d’existence ?
  • quelles priorités et quelle profondeur du changement à promouvoir au sein de l’Union européenne ?

Sur ce plan, l’archipel offre l’avantage d’une pratique de la négociation de « désaccords féconds ». Il permet également l’identification de projets spécifiques dits « pirogues » dans lesquels seuls les membres qui le souhaitent décident de s’investir ponctuellement.

Qu’en pensez-vous ?

Patrick Salez

Coopérateur EELV

Poitou-Charentes

(*) A un groupe de citoyens proposant, dans le cadre de la Convention Climat, une transformation de notre modèle économique, le gouvernement a répondu qu’il n’était pas question de le suivre sur ce point.

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