Dans une brochure à 3,10 euros pour 38 pages*, Daniel Cohn-Bendit citait Simone Weil : « Presque partout – et même souvent pour des problèmes purement techniques – l’opération de prendre parti, de prendre position pour ou contre, s’est substitué à la totalité de la pensée… Il est douteux qu’on puisse remédier à cette lèpre sans commencer par la suppression des partis politiques. »
Dany enfonce le clou : « Un parti, c’est un blindage, une structure fermée, presque génétiquement hermétique à la société. Le débat politique, en son sein, se limite pour l’essentiel à des questions d’organisation du parti, de répartition du pouvoir, de gestion des différents processus plus ou moins démocratiques auxquels il faut recourir. C’est évidemment là où se situe le problème : un parti capte une grande partie de l’énergie des militants pour régler des problèmes internes. Seul un mouvement, pas un parti politique, est capable de mettre en branle la société tout entière, d’y implanter ses idées et ses pratiques. »
En conséquence Dany envisageait un autre « mouvement » aux contours encore indéterminés : « La force de l’écologie se situe là, dans sa capacité à se constituer en mouvement. » Grâce à lui, c’est l’ouverture aux ténors de la société civile qui avait permis le succès des Européennes 2009. Le 22 mars 2010, Dany appelait explicitement à la formation d’une « Coopérative politique ».
Depuis, Les Verts ont inclus cette approche en devenant EELV, mais en privilégiant sa forme partisane d’origine… La Coopérative a été étouffée, les « agoras de l’écologie politique » n’ont pas eu de suite. Depuis, EELV a connu la descente aux enfers en croyant qu’un rapprochement renouvelé avec le PS pourrait durablement donner des postes d’élus aux membres de la firme qui a sévi autour de Cécile Duflot. Aujourd’hui se pose à nouveau la question de l’utilité de la coopérative politique.
Le fait que la Coopérative puisse réunir pour 20 euros seulement des personnes de toutes origines, y compris des militants bi-partisans, est un réel avantage. Encore faut-il donner du grain à moudre. La Coopérative n’est pas morte de façon programmée et consciente, elle s’est dissoute par absence d’objectifs précis à atteindre. Que pouvait faire un coopérateur, si ce n’est assister aux réunions de la structure partisane d’EELV, prendre la parole, être parfois consulté. Il n’avait pas de fonction déterminée, il était réduit à un simple accompagnement.
Que faire d’autre ? Favoriser l’échange ? Des tas de commissions thématiques EELV et une ribambelle de listes de diffusion font déjà théoriquement ce travail. Il ne suffit pas comme Dany de proclamer un « retour de l’autonomie du sujet ». Eencore faut-il se donner les moyens d’arriver à ce but. Et surtout, il faut se pencher sur ce que veut dire « autonomie » à l’heure de l’individualisme forcené véhiculé par la société actuelle.
En fait le parti est structuré de façon à satisfaire tous les besoins apparents des militants… sauf un ! Il manque une instance de formation du militant de base qui puisse accueillir un sympathisant par un contenu et le contact avec un formateur. Là pourrait être la spécificité de la Coopérative, un mouvement d’apprentissage, une université écolo, des groupes de réflexion sur l’actualité, des personnes qui rentrent en contact avec des écologues, une mise en réseau des compétences de chacun, etc. Un peuple écolo ne peut exister que si les gens se mettent à arpenter assidûment les chemins de l’écologie. « On ne naît pas écolo, on le devient », tel est le titre de mon dernier livre. Dans une Coopérative à statut pédagogique, pas besoin de penser à briguer un poste, le parti est là pour ça.
Notons enfin que l’écologie politique n’a pas de réel référentiel commun tel qu’a pu l’être pour les socialistes le Manifeste du parti communiste de Karl Marx. Or l’écologie a maintenant derrière elle un grand nombre de penseurs, Ellul, Illich, Georgescu-Roegen, Arne Naess… et énormément de livres envisageant les multiples aspects de l’urgence écologique. Mais la formation de base au sein de notre parti est au point mort. J’ai rédigé un livre de 370 pages, « L’écologie à l’épreuve du pouvoir », qui recense beaucoup de textes dont nous pourrions avoir besoin dans une formation. Il n’a eu aucun succès lors des journées d’été de Lorient. Un encarté pense surtout au pouvoir, pas à parfaire ses connaissances.
C’est à mon avis une erreur, la pratique et la théorie sont intimement liées. Le militant de base doit pouvoir s’y retrouver dans la complexité socio-économique et écologique pour pouvoir convaincre autrui de notre juste cause. Ce pourrait être la tâche de la Coopérative : construire ensemble un consensus, élaborer un discours commun, former des formateurs à tous les niveaux.
*Réflexions d’un apatride sans parti
Michel Sourrouille
Coopérateur EELV
Poitou-Charentes