Pour une révolution de l’écologie politique !

Texte n°1 : Pourquoi un grand mouvement écologiste aujourd’hui ?

L’écologie politique doit aujourd’hui répondre à cinq enjeux :

  • L’urgence climatique, sociale et démocratique, exprimée sur les ronds-points et dans les rues.
  • La nécessité d’éclaircir la relation de l’écologie à la question sociale : la fragmentation sociologique entre Gilets jaunes et Marcheurs pour le climat, ainsi que les soutiens différenciés des partis de gauche à ces deux types de mobilisation, montrent que la fameuse « conciliation » entre écologie et social n’est pas réalisée. Et la nécessité d’éclaircir la relation de l’écologie à l’économie : quelle transformation du modèle ? comment la décarboner rapidement ?
  • Le besoin d’une forte régulation publique, fournissant le cadre législatif, les instruments territoriaux et les financements de la transition écologique, réorientant les investissements bancaires, assurant une contre-offensive face aux lobbies productivistes. Le Pacte Finance-Climat, proposé à l’échelle européenne, constitue une bonne illustration d’une telle régulation.
  • L’attente citoyenne d’une autre façon de faire de la politique. Loin du clanisme des partis, de leur entre-soi, des jeux d’étiquettes, des logiques compétitives, des luttes pour les places, tous facteurs de divisions. La constitution des listes de candidats de la gauche social-écologiste pour les Européennes vient d’illustrer assez tristement la réalité de la ringardise des partis.
  • La double nécessité d’un changement des comportements individuels en faveur d’une autolimitation de la consommation (alimentation, habitat, mobilité) ainsi que d’une articulation et d’une diffusion de l’ensemble des initiatives écologistes locales pour qu’elles « fassent système ».

Force est de constater que la « Réinvention d’EELV », telle qu’envisagée jusqu’ici dans un premier texte et un questionnaire, n’est pas à la hauteur de ces enjeux. Il ne s’agit pas simplement de sortir du bourbier institutionnel, de revoir les modes d’organisation et de toiletter les statuts, mais d’opérer une révolution de l’écologie politique dans ses finalités, son espace et ses priorités. De construire un nouvel imaginaire. Il s’agit d’ouvrir EELV à un grand rassemblement de la mouvance écologiste autour de quelques valeurs et d’un socle commun, resserré, de propositions.

Nous nous intéressons dans ce texte aux finalités (pourquoi un mouvement écologiste ?). Dans un second texte, en mai prochain, nous traiterons la question du « quoi » (Quelle écologie et dans quel espace ?). Nous répondrons alors à cette question en fondant notre démonstration sur trois défis qui doivent, à notre sens, guider toute action social-écologiste : la vulnérabilité, la rareté et l’injustice.

Pourquoi (pour quoi ?) un grand mouvement écologiste aujourd’hui ? Les cinq enjeux définis ci-dessus modifient en profondeur la raison d’être principale de l’écologie politique et définissent son horizon temporel. Ce n’est pas celui des municipales, même si celles-ci devraient traduire une percée des listes citoyennes. L’horizon est celui des présidentielles de 2022 avec un objectif unique : le basculement des majorités en faveur d’une présidence et d’un gouvernement résolument écologistes.

Il s’agit de fabriquer un corps social écologiste, de faire masse dans la société, de construire une puissance collective qui s’imposera d’elle-même en 2022. Le mouvement de l’écologie politique a su lancer les alertes et montrer que sa cause était noble, mais pour construire une telle puissance, il doit rendre cette cause socialement acceptable, voire désirable à tous. Pour que les citoyens passent de l’adhésion au diagnostic à la confiance dans les solutions proposées.

Longtemps, les partis ont été conçus comme des machines à sélectionner les candidats à l’exercice du pouvoir, à financer leurs campagnes et à professionnaliser les élus. S’y ajoutait pour le parti, au sein du mouvement EELV, la décision systématique de jouer les supplétifs des partis de gouvernement. Le rôle des élus écologistes dans les territoires reste certes essentiel et ils seront bientôt bien plus nombreux dans les communes et les villes. Mais on ne peut plus se contenter de ces tâches traditionnelles, et un grand mouvement écologiste doit désormais animer la vie politique (on conviendra que EELV n’a pas brillé de ce côté-là).

Animer la vie politique se déclinerait en cinq missions :

  • Dialoguer en permanence avec l’ensemble des mouvements protestataires, climatiques et sociaux, pour qu’ils adhèrent à une vision collective et se positionnent dans le champ politique de l’élection présidentielle. Porter ses analyses et ses solutions au débat.
  • Convaincre (conscientiser ?) les sans-voix et les classes populaires qui considèrent l’écologie comme un luxe de nantis. C’est tout le sens d’une écologie populaire. Mais, loin d’ostraciser une soi-disant résistance des classes populaires à l’écologie (« La fin du mois avant celle de la Planète »), il faut aussi convaincre l’élite dite « cinétique », la plus émettrice de gaz à effet de serre par son recours immodéré à l’avion et son mode de consommation gaspilleur de ressources.
  • Former: Se mettre au service des citoyens en les formant aux idées autant qu’aux pratiques de l’écologie, pour qu’ils opèrent progressivement un changement de comportement en faveur de l’autolimitation. C’est une révolution mentale généralisée qui est en jeu, et la force et la cohérence de la pensée de l’écologie politique peuvent y contribuer. Il faudra, pour ce faire, développer un grand récit, celui d’une société de post-croissance et des biens communs.
  • Diffuser un référentiel de l’ensemble des initiatives locales en faveur de l’écologie, des expériences des Zones à défendre (ZAD), des actions associatives à l’échelle nationale et européenne (ex : Alternatiba). Pour que toutes ces initiatives s’articulent les unes aux autres et fassent progressivement système dans la société.
  • Mobiliser pour les élections de 2022. Une fois réalisée l’hybridation entre grand mouvement politique et société civile impliquée dans l’écologie, l’objectif ne sera plus de recruter des adhérents mais d’entraîner, de mobiliser chacun pour passer des banderoles ostentatoires et du « like » au vote décisif en 2022.

La tâche est considérable et se heurtera à deux obstacles principaux :

  • les « vilaines habitudes » des partis qui devront rompre avec leur logique compétitive et leurs stratégies de lutte pour les places. L’inévitable confrontation de leurs scores respectifs aux élections européennes ne favorisera sans doute pas le grand rassemblement espéré. Le Réseau coopératif EELV, comme toutes les coopératives politiques, pourra cependant largement y contribuer, la plupart de ces missions correspondant bien à son identité et à ses objectifs.
  • une société de l’individu et de l’immédiateté, dont les diverses mobilisations (Gilets jaunes, grèves des écoles, marches climatiques, etc.) sont très différenciées dans leur profil social et générationnel. Mais ces mouvements devraient pouvoir converger autour de leur désignation commune d’un État-coupable et d’une véritable social-écologie.

C’est notre salut à tous qui est en jeu. Les citoyens doivent être convaincus que l’impératif écologique, climatique et social est aujourd’hui universel.

Patrick Salez

Coopérateur EELV

Poitou-Charentes

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