Post-Covid, l’impossible an 01 de l’écologie.
En 1971, Gébé propose dans une bande dessinée une révolution non-violente : « On arrête tout, on réfléchit et c’est pas triste ! ». La population décide de suspendre production, travail, école, et de déterminer ce qui doit être redémarré ou pas. Les fabricants de voitures ? Les grands magasins ? Les grandes fermes industrielles ? Dès les premières pages de la bande dessinée, le ton est donné : il faut arrêter ce mode de vie qui n’a plus de sens et qui mène la planète à la catastrophe.
Aujourd’hui, en 2020, une tribune dans Le Monde(1) veut remettre ça :
« Pendant l’épidémie des millions de travailleurs se sont très concrètement interrogés sur l’utilité de leur travail… Après le confinement, il nous faut retourner dans nos lieux de travail pour y tenir des assemblées où décider de ce que nos productions doivent devenir : être arrêtées ? réorientées dans un sens soutenable écologiquement, socialement, moralement ? relocalisées en mondialisant autrement ? »
Comme si, pendant le confinement, les gens étaient devenus des décroissants pensants ! Comme si, après le confinement, les gens ne voudraient pas revenir à leur vie d’avant sans qu’on discute à perte de vue du monde d’après ! La réalité qui nous attend est une société toujours aussi croissanciste : avoir plus de pouvoir d’achat, acheter ce que la publicité vante, des bénéfices pour les entreprises, un pouvoir fort car sécurisant, en attendant les Jeux olympiques reportés à 2021… Nous aurons un gouvernement qui ne pense que relance économique, endettement massif et business as usual ! Tout le contraire de ce qu’il faudrait faire. Et pourtant, les gens seront contents.
Un gouvernement devenu écolo aiderait les gens à penser la résilience à long terme, pousserait les entreprises à devenir bas-carbone, instaurerait par la culture un nouveau rapport à la nature… Nous savions déjà au début des années 1970 ce qu’il faudrait faire si on était écolo, ne pas déstructurer les solidarités de proximité et les emplois localisés, ne pas verser dans l’agro-industrie (et faire ainsi le vide dans les campagnes), miser sur les techniques douces et non mettre en place le tout nucléaire, interdire la publicité pour en rester aux besoins essentiels, perfectionner le système de santé et ne rien donner aux militaires, etc. Depuis cinquante ans, nous avons fait le contraire de ce qu’il faudrait faire, et en conséquence la société est maintenant structurée autour de la bagnole et du supermarché avec un yaourt qui a fait le tour de la planète avant d’arriver dans notre assiette. Comment un gouvernement pourrait-il faire autrement après le confinement que remettre le wagon sur ses rails croissancistes ? Mon constat semble pessimiste, il se veut seulement réaliste. D’autant plus réaliste que je constate l’impréparation absolue du Parti EELV de penser la gestion d’une grave crise comme celle que nous traversons. Mon ami Yves Cochet prépare, de son côté, la fin du monde dans sa longère à la campagne :
« L’effondrement peut d’abord prendre la forme d’une guerre liée à la raréfaction des ressources. Ou provenir d’épidémies dues à une insécurité sanitaire–le moustique-tigre remonte les latitudes, amenant le chikungunya ou la dengue–, ou de famines. Pour s’en sortir, il faudrait une économie de guerre comme à Londres, en 1941. Je suis pour le rationnement de l’essence, des vivres, des vêtements, et pour le contrôle des naissances. Mon discours ne fera jamais recette. Je ne suis pas entendu, et c’est précisément pour cela que l’effondrement va arriver ».(2)
Je voudrais cependant terminer par une note optimiste. Nous connaissons déjà beaucoup de méthodes pour construire une société post-croissanciste, viable et vivable. En voici un exemple, officiel. La « taxonomie écologique »(3), qui est un classement des activités plus ou moins « propres » au niveau des entreprises, des techniques et des ménages, pourrait servir de point de repère à nos comportements. La Commission européenne avait publié le 18 juin 2019 une proposition de « référentiel d’activités durables »(4) pour permettre aux investisseurs et aux entreprises d’identifier les secteurs qui génèrent des bénéfices environnementaux, c’est-à-dire qui contribuent significativement à la lutte contre le changement climatique sans pour autant provoquer des dommages collatéraux. Ce serait une avancée politique majeure. Mais en décembre 2019 la France et le Royaume-Uni ont bloqué la tentative de taxonomie, parce qu’elle rendait pratiquement impossible le financement de l’énergie nucléaire par des produits financiers durables. Moralité : ce n’est pas parce qu’on échoue souvent qu’il ne faut pas persévérer dans la bonne voie.
Michel Sourrouille
Coopérateur EELV
Poitou-Charentes
- Le mouvement PEPS (Pour une écologie populaire et sociale) semble être à l’origine de cette tribune.
(2) L’humanité pourrait avoir disparu en 2050, Le Parisien, 7 juin 2019.
(3) Voir « L’art de classer ce qui est bien ou mal » http://biosphere.ouvaton.org/blog/lart-de-classer-ce-qui-est-bien-ou-mal/
(4) https://ec.europa.eu/info/publications/non-financial-reporting-guidelines_fr
Intéressant; Un peu exessif parfois mais novateur .A retenir Merci