En ignorant les fondements de la période difficile qui nous attend, l’Institut Montaigne répond à la crise économique par des mesures incantatoires en voulant augmenter le temps de travail. Cela revient à une confiscation du temps des actifs. La réflexion qui mène à de telles mesures ne s’encombre pas non plus d’une prise en compte des secteurs d’activité à requalifier ou à abandonner. La crise du COVID-19 (et d’autres suivront) n’est qu’une esquisse du monde dans lequel nous allons devoir apprendre à vivre en espérant ainsi aller vers un monde meilleur.
Payer pour maintenir en état certains secteurs est irréaliste.
La disparition d’une grande partie de secteurs entiers d’activité et de production, inadaptés aux nouvelles contraintes de la distanciation physique et de la volonté de vivre différemment, est prévisible.
Entre autres, le domaine des transports contraints et pendulaires va, en particulier, devoir se réinventer complètement, comme le secteur du tourisme, de l’aviation, de l’automobile, de l’agriculture, sans parler des crises climatiques et la nécessaire adaptation de nos comportements, de notre consommation, de notre production, etc. Ces bouleversements vont faire émerger des nouvelles manières de produire et de faire.
C’est une remise en cause de tous les modèles économiques pour lesquels une simple baisse d’activité annihile la rentabilité, ce qui va détruire des secteurs entiers s’appuyant sur la notion d’économie d’échelle. Les conséquences sociales vont être monstrueuses et la disparition de milliers d’emplois est prévisible. Des millions de gens vont se trouver sans moyens d’existence et avec peu d’espoirs.
Répondons par des utopies pragmatiques et réalistes.
- Nous devons requalifier une partie de la population pour lui permettre de s’adapter aux nouvelles manières de produire, Pour cette requalification il faut que chacun ait du temps
- Cette mutation, qui doit être rapide, ne se passera pas sans une réorganisation et une réappropriation de sa vie par chacun. Il faudra beaucoup d’initiative et d’intelligence. Pour cette mutation il faut que chacun ait du temps.
- Cette réorganisation, cette réappropriation de sa vie, basée sur la proximité, passe par moins de complexité, plus de « faire soi-même » et moins de produits tout prêts qui viennent de loin. Pour ce « faire soi-même », il faut que chacun ait du temps.
- Être plus responsable, comme on nous le demande, moins infantilisé, moins chosifié, cela demande de mieux se connaitre et mieux connaître ce qui nous entoure. Pour s’apprendre et apprendre, il faut que chacun ait du temps.
- Être plus autonome, plus résilient, c’est construire du commun et du collectif, du partage et de la solidarité. Pour échanger, donner et recevoir, il faut que chacun ait du temps.
En fait cela tombe bien, parce qu’il va y avoir moins de travail, mais pas moins de besoins, sûrement des besoins différents, mais des besoins quand même.
Moins de travail ne veut pas dire moins d’activité.
Le travail requiert une organisation et une stratification de la société ou de la communauté, une spécialisation et un degré de complexité seulement atteignable par un engagement collectif et le développement d’une culture et d’une morale. Il y a principalement de la technologie dans la fabrication de plats cuisinés industriels, la préfabrication d’une cabine de douche prête à poser.
L’activité, elle, est plutôt de l’ordre des connaissances artisanales. Elle s’appuie principalement sur de la technique et peu sur de la technologie. Elle est proche de l’individu détenteur d’un savoir-faire et d’une éthique personnelle, typiquement pour la réalisation d’une tarte maison, la construction d’un mur en pierre sèche ou en pisée.
Pour que des millions de chômeurs ne soient pas confinés dans une inactivité augmentant leur sentiment d’inutilité, il est temps de répartir différemment le temps de travail et valoriser le temps d’activité. Activité qui est d’autant plus facilement accessible, puisqu’en partie autodéterminée par la recherche d’une satisfaction personnelle ou d’un engagement de coopération familial ou de proximité.
Tous deux, travail et activité, doivent concourir à l’amélioration et à l’enrichissement de la situation et de l’état personnel de chacun.
Il existe déjà une appréciation différenciée du travail et de l’activité.
Cette différence existe bel et bien dans notre imaginaire.
Une définition qui semble suffisamment large de l’activité est de dire qu’elle concerne une action dont on maîtrise « l’objet et l’objectif » dans un cadre partagé ou individuel.
Quand Monsieur ou Madame fait la cuisine, si c’est une activité, il ou elle maîtrise l’objectif, qui est de « fournir une nourriture pour faire plaisir à ses hôtes », et il ou elle maîtrise l’objet, qui est de « préparer des plats définis en les cuisinant pour un repas situé dans le temps ». Il ou elle adapte les moyens en choisissant les produits et en ayant à disposition du matériel de cuisine.
Au contraire, en devenant le dernier maillon de la chaîne de production en tant que consommateur, c’est l’industrie qui se donne la liberté de définir « l’objet et l’objectif », présidant à la mise à disposition de produits et services. L’individu travailleur consent malheureusement à ne plus avoir la parole. Il se contente de faire.
Si l’on ne maîtrise plus l’objectif, qui devient l’obligation de faire des repas, et si l’on ne maîtrise plus l’objet, qui consiste à cuisiner des recettes imposées, ce n’est plus une activité mais un travail.
Ce n’est donc pas le fait d’être payé ou non, ou d’avoir accès ou non à une protection sociale, qui fait le travail. Il suffit de penser aux limites floues du bénévolat, de l’échange direct de services, du paiement en nature, du travail au noir, du travail exonéré de charges sociales, du statut d’auto-entrepreneur, du télétravail, d’une partie du travail ménager, etc. C’est bien la notion de subordination formelle ou informelle concernant « l’objet et l’objectif » qui fait le travail, que l’on soit payé ou non, que l’on ait une protection sociale ou non.
Le travail ne peut pas se suffire à lui-même. Il n’est qu’un sous-produit de l’activité.
Lors du développement de l’ère industrielle, la coopération, voulue ou imposée, des hommes au travail et des femmes chargées du fonctionnement et de la production familiale, a permis à l’industrie de confisquer le temps disponible des salariés, et aussi des salariées, qui pour (sur)vivre, bénéficiaient du complément indispensable apportées par les femmes « attachées à la maison ». Facile dans une société patriarcale !
Sans cette coopération, l’industrie n’aurait jamais pu se développer comme elle l’a fait.
L’implication personnelle dans « l’objet et l’objectif » fait la différence.
On peut plus ou moins subir, participer coopérer, maîtriser, s’approprier chacun de ces deux éléments.
Si le travail est un état de subordination caricatural, on subit sans concession « l’objet et l’objectif ». Il n’y a pas d’humanité dans cette situation. Quand la machine peut le faire on est vite remplacé.
Si l’on participe à l’objectif, à l’objet ou aux deux à la fois, il y a la motivation, et l’atteindre ou les atteindre se traduit par une récompense pouvant aller de la satisfaction à la prime.
On peut aussi coopérer pour faire ensemble ou maîtriser pour faire seul.
Mais attention : si l’on s’approprie l’objectif sans maîtriser l’objet, on aura des grandes difficultés à aboutir et si l’on s’approprie l’objet sans maitriser les objectifs, c’est le burn-out assuré.
Comme au travail, l’activité ne doit pas être sexiste.
Chaque homme et chaque femme a sa part de féminin et de masculin. La part de masculin est plutôt attachée à l’objet, le produit ou service à réaliser, sans temporalité, alors que, par nature, la part de féminin, prédisposée par le ressenti des temporalités physiologiques, fait plus facilement sien les objectifs, le planning et la qualité. Nous devons donc faire société autour de ces deux éléments que sont la perception de la temporalité et l’attachement à la fabrication.
Très peu de gens, hommes ou femmes, réunissent ces deux critères. Reconnaitre son interdépendance est donc indispensable pour vivre une coopération fluide et de proximité, basée sur une égalité de situation sociale et de reconnaissance sociétale. Les nouvelles générations ont, pour beaucoup, intégré cette dimension que la société ne leur laisse pas toujours l’occasion d’exprimer.
Subvenir à une partie de ses besoins par l’activité.
On ne peut pas s’attendre à ce que l’on passe facilement à la généralisation d’une réduction drastique du temps de travail à 24 ou 28 heures, même si l’on peut déjà le demander, même s’il faut tout faire pour que cela devienne une évidence sociétale.
Mais il est aussi nécessaire d’inscrire culturellement les bénéfices d’une réduction du temps de travail. C’est donc à chacun de le vouloir fortement et quand il en a la possibilité, en construisant des possibles par des initiatives individuelles ou collectives en gouvernance partagée.
En nous libérant du confinement d’un temps de travail trop long, nous pourrons ainsi réintroduire des temps d’activité où la coopération et la solidarité deviennent une autre réponse à nos besoins essentiels.. L’épanouissement personnel ira de pair dans ce monde d’interdépendance entre le « je » et le « nous ».
Faire ce qui est à sa portée.
On ne peut pas tous refaire le monde dans des ZAD, mais chacun peut dynamiser les modèles de coopération en allant par exemple aider à faire la mise en rayon et l’inventaire dans la coop bio où l’on va faire ses courses, en portant le principe des AMAP pour créer une sécurité alimentaire « simplifiée et à portée de main ».
On peut aussi se dégager du temps en réduisant ses transports par des actions d’implantation et de maillage territorial de bureau de proximité. On peut rechercher une vie plus simple et plus sobre en s’investissant dans des projets d’habitat partagés, etc.
Il y a mille possibilités adaptées au vécu, au moment, à la situation de chacun, mais toutes concourent à la mise en place d’une économie environnementale sociale et solidaire (EESS).
Bien sûr, au-delà des bénéfices humains, tout cela remettra aussi en cause l’aménagement du territoire et la maîtrise du foncier, les transports, les échanges, les monnaies, le fonctionnement essentiel des solidarités et des protections, etc. C’est la base d’une nouvelle politique qui se construira à partir de vous.
Pour terminer un clip de Keny Arkana.
Gens Pressés… Pressés jusqu’à en devenir liquide? Brise tes chaînes et (ré)invente ta vie
Christian Olive
Coopérateur EELV
Languedoc-Roussillon
https://medium.com/@jmfortane/comment-lutter-contre-lexclusion-gr%C3%A2ce-au-plein-emploi-d6e8166d4064
Bjr Aurez vous la curiosité d’en demander ou lire plus et court circuiterez vous les politiciens médiatisés qui méconnaissent les entrepreneurs honnêtes créateurs d’emplois qu’ils dégoûent d’employer en France ?
Il est bien question d’une transition « heureuse » et des modalités de sa mise en œuvre qui urgent de plus en plis. Par contre, il me semble que la base du changement a de meilleures chances de parvenir à un résultat durable si elle s’organise au niveau collectif et local.
https://www.xulux.fr/pensee-societe/leloge-de-loisivete/