Militantisme et sobriété personnelle

Motivation : Un mouvement écolo dispose d’un atout important par rapport à d’autres organisations politiques  : ses membres peuvent montrer l’exemple de ce qu’il faut personnellement pratiquer, la sobriété personnelle. En effet, l’expression de Gandhi, « soyez le changement que vous voulez voir dans le monde », s’applique parfaitement à l’objectif de militants écolos qui veulent que changent les comportements dans un contexte d’urgence écologique. Il est nécessaire d’établir une continuité entre la théorie et la pratique, entre les mots et les actes. Nous protégerons d’autant mieux la planète que nous auront pris soin de vivre personnellement comme il faudrait vivre pour protéger le sort des générations futures, la biodiversité et la pérennité des ressources terrestres.

Un des fondateurs de l’écologie politique, Arne Naess, s’exprimait ainsi dans son livre de 1989, Ecologie, communauté et style de vie1 :

« En définitive, toutes nos actions et toutes nos pensées, même les plus privées, ont une importance politique. Si j’utilise une feuille de thé, un peu de sucre et de l’eau bouillante, puis que j’en bois le produit, je soutiens le prix du thé et du sucre et, plus indirectement, j’interfère dans les conditions de travail au sein des plantations de sucre et de thé dans les pays en voie de développement. Pour chauffer l’eau, j’ai probablement utilisé du bois ou de l’électricité ou un autre type d’énergie, et ce faisant, je prends part à la grande controverse concernant l’utilisation de l’énergie. J’utilise de l’eau et prends aussi part à une myriade de problèmes politiquement brûlants qui concernent les réserves d’eau. J’ai donc une influence politique quotidienne ».

Nous, militants écologistes, nous voulons pratiquer l’autolimitation dans un monde où nous avons déjà dépassé toutes les limites biophysiques. Nous essayons de faire preuve le plus possible de sobriété énergétique, ce qui implique de réduire nos déplacements dans des engins motorisés. Nous tentons dans tous les domaines d’aller moins vite, moins loin, moins souvent. Nous évitons le tourisme par avion. Nous mangeons de préférence bio et de proximité. Certains d’entre nous pratiquons au minimum le lundi végétarien et évitons les nourritures industriellement transformées. Nos efforts sont tournés vers le refus des mécanismes publicitaires et ceux de la mode, l’achat inutile et le besoin artificiel. Pour les plus engagés d’entre nous, nous n’avons ni télévision, ni voiture, ni carte bancaire, encore moins de smartphone. Quand nous allons au bout de notre prise de conscience, nous cultivons un lopin de terre et/ou plantons des arbres fruitiers. Nous cessons d’attendre que le système change, car il ne changera pas sans nous. Nous voulons que l’exemplarité de notre comportement puisse provoquer un effet boule de neige.

Acquérir le sens des limites ne devrait pas être réservé aux militants écolos : la sobriété doit être partagée. En tant que membre d’un mouvement politique qui est à même de définir l’organisation de la société, notre volonté est de changer les conditions structurelles d’existence pour permettre à la population de faire une véritable transition écologique. Prenons l’exemple du déplacement motorisé. Si l’on peut parfois se passer de voiture au niveau individuel, la plupart des gens sont obligés pour différentes raisons d’y avoir recours. Cela veut dire que nous devons montrer qu’il peut en être autrement, qu’il suffit de nous organiser différemment. Les instruments politiques sont divers, allant du signal prix (la taxe carbone) à l’interdiction de rouler dans certains cas. Mais il faut aussi agir sur les infrastructures routières, inciter à rapprocher lieu de travail et domicile, suspendre les grands travaux inutiles, etc. Il faut se rappeler le programme de René Dumont lors de la présidentielle de 1974 :

« Le type de société que je propose est une société à basse consommation d’énergie. Cela veut dire que nous luttons entre autres contre la voiture individuelle. Nous demandons l’arrêt de la construction des autoroutes, l’arrêt de la fabrication des automobiles dépassant 4 CV… On peut penser dès à présent à réorienter l’industrie automobile vers la production des composantes de logements ou des systèmes d’énergie solaire ou éolienne… »

Nous ne restons impuissants devant la dégradation de notre biosphère que si nous le voulons bien, individuellement et collectivement.

Michel Sourrouille

Coopérateur EELV

Poitou-Charentes

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