Ne nous laissons pas submerger par l’idée qu’il y aurait les « bons », engagés sociétalement dans la Coopérative, qui œuvrent sur le terrain dit associatif ou coopératif, et les « méchants », ayant un engagement partidaire, affublés des pires penchants, comme une ambition personnelle, coupés de la réalité du monde et qui, une fois élus, s’approprient la gestion des communs sans la pleine reconnaissance au jour le jour des citoyens qu’ils représentent.
J’ai un très grand respect pour les personnes qui ont un engagement partidaire avec la volonté d’être élu. Je sais la solitude de l’élu engagé dans son mandat représentatif et, quel que soit le mandat occupé par un écologiste, je pense qu’il fait toujours, et souvent jusqu’au bout, le mieux, ce qu’il peut et que c’est à lui, dans le contexte de son mandat, de savoir quand il doit démissionner, si nécessaire. De plus, s’il y avait des élus « engagés » heureux, cela se saurait.
Mais ce mandat représentatif qui délègue « tout pouvoir » est un piège qui insuffle la dépendance du citoyen à ses élus et, lorsque cette dépendance, qui renforce l’individualisme et la pauvreté de la réflexion citoyenne, devient insupportable, on a par exemple « la colère des gilets jaunes ».
Je milite donc pour que la réflexion de l’administration du collectif, portée aujourd’hui par les élus, s’enrichisse en reconnaissant son interdépendance avec la réflexion citoyenne.
La notion d’interdépendance ne se « fabrique » pas par une simple écoute du citoyen, maintenu dans sa dépendance, mais par une expression réciproque des tensions entre ceux qui sont engagés dans l’administration du collectif et le citoyen qui lui a confié cette mission. Cela peut être aussi un moyen de trouver des garde-fous qui peuvent éviter la radicalité du mandat impératif.
Pour moi, et je ne suis pas le seul, cette possibilité de reconnaître son interdépendance est le principal moyen, si ce n’est le seul, pour exister et créer sa propre identité. Pour nous écologistes, cette notion est au cœur de nos préoccupations, puisque c’est ce qui guide nos engagements en reconnaissant notre interdépendance avec les autres, la nature et les générations futures.
L’interdépendance n’existe pas dans un cadre hiérarchique. Il est donc nécessaire dans chaque situation d’avoir une possibilité de confrontation bienveillante avec un autre ou des autres.
Aujourd’hui, l’implication sociétale a atteint une limite. L’élu fonctionne dans une sorte d’oligarchie institutionnelle et le citoyen n’a pour s’exprimer qu’un espace institutionnel réduit à une peau de chagrin : il lui reste la rue et la radicalité d’action violente ou non-violente. Il n’existe pas de lieu d’intelligence collective qui permettrait, en même temps, à chacun d’exister.
Il y a donc un modèle organisationnel à mettre en place. Pour préfigurer notre volonté politique basée sur ce paradigme, issu de l’acceptation de notre interdépendance universelle, le mouvement EELV a créé deux collèges, représentatifs de deux engagements sociétaux forts, et le lieu de confrontation qui va avec, le lieu de l’intelligence collective, l’Agora. Ce lieu qui construit l’identité de chacun dans la coopération n’existe que s’il y a réellement possibilité de confrontation. Sinon, on retrouve les « vieux modèles », avec les expressions qui vont avec : « les gens veulent ça », « je sais ce que veut le peuple », etc. L’élu se fait son « Agora » tout seul dans sa tête, c’est la base de la schizophrénie.
Revendiquer la double appartenance Parti et Réseau coopératif, dans le modèle que nous avons voulu expérimenter en créant le Mouvement EELV avec ses deux collèges, c’est faire disparaître l’Agora … Pour se confronter, il faut être deux.
C’est pour cela que je sais qu’il faut choisir, même si l’on peut se dire que dans sa vie « militante » on fait les deux. Quand j’ai adhéré à la Coopérative, j’ai gardé la double appartenance pendant presqu’un an et je trouvais cela bien. Et puis est venu le moment d’écrire le règlement intérieur du Réseau coopératif et là s’est imposé le fait que la double appartenance n’était pas possible, si le réseau coopératif voulait trouver son identité.
L’identité du Réseau coopératif n’est pas rien dans le paysage politique actuel, puisque cela revient à ouvrir une nouvelle voie d’engagement citoyen.
Engagement citoyen qui, en trouvant sa place par la reconnaissance de son interdépendance avec le monde partidaire, s’ouvre de nouveaux horizons d’actions. Mais c’est une danse à deux et le monde partidaire doit lui aussi reconnaitre son interdépendance avec le monde de l’engagement politique citoyen. Construire et faire vivre cette nouvelle culture est le défi que je veux à présent relever.
Christian Olive,
Coopérateur EELV
Languedoc-Roussillon