Les Guides de Bonnes pratiques de la construction en terre crue viennent juste de paraitre

Association AsTerre

EDITO DU PRÉSIDENT

Eloge de « Je ne sais pas »

Ah, quel bonheur de pouvoir dire « Je ne sais pas » ! Vous devez vous dire « Mais, il est fou ! Les Guides de Bonnes pratiques de la construction en terre crue viennent juste de paraitre (en ligne sur https://www.asterre.org/ ), nous avons des connaissances, nous savons ! nous l’avons écrit ! » Bien sûr, aujourd’hui, pour construire en terre, quiconque se rapporte à ces guides a accès à des connaissances. Peut-être pas suffisamment pour construire, si elle (il) n’a pas appris par ailleurs.
Je ne sais pas. Bien que maçon aguerri, à la fin du vingtième siècle, je ne savais pas faire du torchis, de la bauge, maçonner, faire des enduits avec la terre. Le premier pas de l’élève est bien de passer du « je ne sais pas » au « je veux savoir », bien souvent sans exprimer clairement le constat de l’ignorance, l’envie d’apprendre l’emporte.
Je ne sais pas…, je ne sais pas tout : sans cela je n’aurais pas rejoint le groupe de rédaction du Guide Torchis. Bien sûr, j’en savais un peu, je pratiquais principalement la méthode régionale communément appelée « quenouille » aussi bien verticalement en cloison, qu’horizontalement en plafond. Je connaissais moins bien d’autres façons de faire, parfois j’en avais vu, parfois j’avais juste lu des descriptions ou vu des photos. C’est bien ce « j’en sais un peu, je ne sais pas tout » qui m’a permis d’aller vers un groupe de personnes pour partager des bouts de savoir et construire un panorama plus large. Si j’avais pensé « je sais déjà », je n’aurais pas écouté, je me serais enfermé dans une certitude, j’aurais raté quelques petites merveilles d’ingéniosité et d’adaptation. Le « je ne sais pas » m’a amené au partage et à plus de richesses.
Les Guides de Bonnes Pratiques écrits, ce « je ne sais pas » devrait commencer à s’effacer… Oh oui, j’en conviens c’est le fruit d’un long travail ayant mobilisé plus de deux cents personnes, pendant trois ans, ce n’est pas rien ! De plus la validation des différents guides est commune à tous les groupes de rédaction : ce qui ressort est donc bien une base solide, reconnue consensuellement par une grande partie des acteurs de la construction en terre crue. C’est un état des lieux de nos connaissances, à un moment donné…
Les guides se terminent tous par un renvoi vers un formulaire de révision. De ce fait, ils laissent tous la place à la correction des erreurs, des imperfections, mais aussi la prise en compte de choses que nous n’avons pas vues, mal comprises ou mal interprétées. Un petit « je ne sais pas » s’est glissé dedans, c’est sans doute salutaire.
Je crois que je continuerai à dire « je ne sais pas ». La technique ancienne du torchis a sans doute généré les terre-paille ou torchis allégés mis en œuvre en Europe depuis les années 1980. Comme toutes techniques, un temps de développement, pour asseoir les résultats de l’expérience, valider les qualités et domaines d’usage, a été nécessaire : les techniques de mélange de fibres longues végétales et terres se sont diversifiées, les terres allégées trouvent leur reconnaissance. A peine ce pas franchi, d’autres directions se dessinent. La transformation mécanisée des végétaux nous amène autre chose que des fibres longues, des granulats courts : Les mélanges terre-chanvre commencent à cumuler des retours d’expérience, la projection mécanique commence à s’affirmer.
Je ne sais pas jusqu’où iront les techniques de construction en terre. Elles trouveront sans doute des développements en techniques de remplissage, d’isolation, en techniques porteuses ou non…Va savoir !
« Je ne sais pas » est, peut-être aussi, porteur d’avenir.

Bien sur terre,
Luc Van Nieuwenhuyze
Président d’AsTerre

19 juillet 2019.

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