L’écologie est-elle une religion ?

Toute organisation humaine renvoie un ensemble de présupposés sur le sens de notre existence, donc à une ontologie, une métaphysique considérée comme référence à notre comportement. La religion joue ce rôle, elle relie (religare) et elle rassemble. Elle permet une pratique institutionnalisée qui apporte une cohérence au monde et le maintien de cet ordre. Aucune société ne peut vivre sans une certaine forme de religion. Le problème de fond c’est de déterminer à quoi se relier. Une divinité ? Le collectif humain ? La Nature ?

Dans les sociétés premières, on était en phase avec les rythmes naturels. Les religions du livre (la Bible et le Coran) ont coupé le cordon ombilical. La perte du jardin d’Éden est symbolique de la rupture avec l’époque de chasse et de cueillette ; place au néolithique, une société agricole qui s’instaure progressivement il y a plus de 10 000 ans. Dieu le père, défini de façon abstraite, va remplacer l’idée de Terre-mère.

Ce n’est qu’en 1979 que l’Église catholique va rechercher dans ses lointaines archives le nom de François d’Assise pour en faire le saint de l’écologie. Jusque-là domine la conception d’une création de l’homme à l’image de Dieu considéré comme propriétaire de la Terre : « Remplissez la terre et soumettez-là, dominez sur toutes les créatures » (Genèse 1,28). Mais la dégradation des conditions de vie sur Terre et la concurrence de l’écologie va pousser à une évolution de la doctrine catholique. L’interprétation despotique de la Genèse laisse place à l’idée que nous sommes les « intendants » de Dieu sur la création Nous sommes chargés d’en prendre soin et non ses propriétaires. Dans sa lettre encyclique de 2015, Laudate Si (loué sois-tu, sur la sauvegarde de la maison commune), le pape François en appelle à « toute la famille humaine, croyants ou non, catholiques ou autres », à joindre leurs efforts pour surmonter la crise et engager un changement radical « de style de vie, de production et de consommation ». Mais l’Église catholique refuse d’aller plus loin : « Un anthropocentrisme dévié ne doit pas nécessairement faire place à un ʺbiocentrismeʺ, parce que cela impliquerait d’introduire un nouveau déséquilibre qui ne résoudrait pas les problèmes mais en rajouterait d’autres » (§ 118. Laudate Si).

C’est le philosophe et écologiste Arne Naess qui propose une autre conception de notre rapport avec la nature : « Le bien-être et l’épanouissement de la vie humaine et non-humaine sur Terre ont une valeur intrinsèque (en eux-mêmes). Ces valeurs sont indépendantes de l’utilité que peut représenter le monde non-humain pour nos intérêts humains ». L’espèce humaine n’est qu’une maille dans le tissu du vivant.

Il apparaît alors une différence de fond entre les religions « révélées » des monothéismes et la sacralisation possible de la Terre-mère. Alors qu’on peut faire dire à Dieu ce qu’on veut, l’état de la planète est concret. On peut à la fois l’étudier scientifiquement et respecter la biodiversité, c’est-à-dire élaborer une certaine spiritualité.

L’écologisme cherche dorénavant à se concrétiser dans des textes législatifs. Tout un chapitre de la constitution équatorienne de 2008 est dédié aux droits de la Nature : son article 71 dispose que « la Nature ou Pacha Mama, où se reproduit et réalise la vie, a le droit à ce que soient intégralement respectés son existence, le maintien et la régénération de ses cycles vitaux, sa structure, ses fonctions et ses processus évolutifs ». En 2017, un fleuve considéré comme sacré par les Maoris s’est vu doter par le Parlement néo-zélandais le statut de personnalité juridique, avec tous les droits et les devoirs attenants.

L’écologisme porte donc en lui une rupture avec religions du livre (Bible, Nouveau testament, Coran), un retour à une vision plus en phase avec les possibilités d’une vie viable, vivable et conviviale sur cette planète.

Michel Sourrouille

Coopérateur EELV

Poitou-Charentes

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