Les grandes associations et de nombreux collectifs locaux d’aide aux migrants se regroupent pour montrer le visage de la France qui accueille.
LE MONDE | 20.11.2017 à 17h00 • Mis à jour le 21.11.2017 à 07h39 | Par Maryline Baumard
> Pour la première fois depuis 2008, Amnesty International, le Secours catholique, la Croix-Rouge française, Médecins du Monde mais aussi le Gisti ou Emmaüs International se retrouvent dans un mouvement unitaire aux côtés d’une longue liste de collectifs locaux qui jusqu’alors cantonnaient leur mission à une aide aux migrants, sans s’inscrire dans une expression plus politique. Les P’tits Dej’ à Flandre, Terre d’errance ou Paris d’exil feront eux aussi entendre leur voix, en écho à celle de Roya citoyenne et de nombreux mouvements catholiques ou protestants.
Cahiers de doléances
Une bonne partie du mouvement citoyen d’accueil des migrants se met ainsi en ordre de marche. Symboliquement, les premières actions auront lieu le 18 décembre, journée internationale des migrants. Des cahiers de doléances seront ouverts et commenceront à être noircis par les 470 communautés partantes. Dans la foulée, des concertations seront décentralisées partout en France avec interpellation et mobilisation citoyenne en réaction au projet de loi sur l’immigration que prépare le ministère de l’intérieur pour début 2018.
Les associations veulent aussi rendre plus visible cette « chasse aux migrants qui continue dans les Alpes, près de Calais et partout en France, tandis que les procès de citoyens solidaires se succèdent », comme le précise Violaine Carrère, juriste au Gisti et membre du comité de liaison.
« On a longtemps laissé faire mais désormais, face à la situation de violence contre les migrants, à la multiplication des interpellations de citoyens solidaires et à la préparation d’un projet de loi très répressif, il nous fallait agir, dire haut et fort que cette politique n’est pas menée en notre nom », observe Nathalie Péré-Marzano, déléguée générale d’Emmaüs international.
> Son association est l’une des premières à s’être mobilisées à force de voir, depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée, des compagnons d’Emmaüs convoqués par la police et des responsables de centre auditionnés au sujet des sans-papiers qu’ils aident.
Les différences d’approche mises entre parenthèses
> En janvier déjà, les associations marquées à gauche, mais aussi des mouvements catholiques, avaient commencé à se compter, élaborant une carte de France baptisée #LaPreuveParNous, qui regroupe 1 097 initiatives diverses d’aides aux nouveaux venus sur tout le territoire. Les répondants de ce premier appel sont aussi ceux qui ont signé une tribune le 17 juin sur le site Mediapart. Intrigué par la liste des 470 signatures, l’Elysée a reçu des émissaires, six organisations nationales et six collectifs locaux.
> « Le pouvoir en place voulait bien des états généraux sur l’alimentation, mais pas sur les migrations. D’autant que sur notre sujet, ils nous ont dit avoir déjà leur feuille de route », observe rétrospectivement un des invités. Le 12 juillet a en effet été annoncé le « plan migrants » du gouvernement… « Cette fin de non-recevoir a fini de nous convaincre de la nécessité d’organiser nos états généraux sans l’Etat », ajoute le même interlocuteur.
> Mettant donc entre parenthèses les différences d’approche au sein de ce paysage multiforme, 110 représentants de 80 associations se sont une nouvelle fois retrouvés à Paris dans les locaux d’Amnesty International, le 7 octobre, pour entériner l’idée de cahiers de doléances, avant une autre réunion pour les derniers calages, largement suivie elle aussi.
Créer un vaste mouvement d’opinion
Prévue pour s’inscrire dans la durée, cette mobilisation veut agir à la fois « sur la loi migration qui pourrait passer au Parlement au printemps » et de façon plus profonde en créant un vaste mouvement d’opinion, organisé, capable de peser « et de faire comprendre que les Français sont accueillants et que nous sommes nombreux à ne pas nous reconnaître dans la politique menée aujourd’hui », rappelleCamille Champeaux du Centre de recherches et d’information pour le développement, l’instance qui coordonne.
Aux côtés de Cédric Herrou, de nouvelles voix issues de dizaines de collectifs sont partie intégrante du dispositif. Dans la Roya, d’ailleurs, afin de sortir du tête-à-tête stérile entre le préfet et Cédric Herrou – une nouvelle fois assigné en justice lundi 20 novembre –, un collectif baptisé Les Amis de la Roya citoyenne pose son acte de naissance lundi à Paris et sera acteur des états généraux. Il est parrainé par plusieurs centaines d’artistes, intellectuels et politiques, d’Agnès Jaoui à Jacques Testart en passant par Annie Ernaux ou Jean Luc Mélenchon.
Les représentants des grandes associations nationales, emblématiques du secteur, abordent eux la période avec l’expérience de leur dernière importante mobilisation sur le sujet, il y a neuf ans. Sous l’ère Sarkozy, un collectif citoyen qui offre bien des points communs avec celui de 2017, avait réussi à monter un Sommet citoyen sur les migrations.