Le droit de l’environnement ne doit pas être un droit à la destruction !

L’environnementalisme qui régit une politique écologique de moyen terme est un mal nécessaire … par contre il doit trouver tous les équilibres pertinents avec les enjeux de long terme du climat, de la biodiversité et de l’humanité. Aujourd’hui le vote de la RIIPM (Raison Impérative d’Intérêt Public Majeur) pour massifier le développement des EnR (énergies renouvelables) met en danger la pertinence de certains équilibres.

La sobriété est au cœur des enjeux

 La réussite de la transition énergétique en  dépend.

Mais quelque soit la vitesse avec laquelle nous diminuons notre appétence énergétique il n’y a pas d’alternative, nous devons massifier le développement des EnR.

Les EnR notre résilience énergétique

Cette massification des EnR est le prochain défi écologiste qui devra assurer notre résilience énergétique sans saper davantage la résilience du vivant, déjà plus que largement entamée.

Au vu des pratiques existantes en matière de réglementation sur la biodiversité, qui sont aujourd’hui plus un droit à détruire qu’un vrai objectif de préservation, on peut avoir un doute sur cet engagement consistant à préserver le vivant.

Le sujet de la biodiversité  est intimement lié à celui du réchauffement climatique, il est aussi important et il n’est pas question de l’oublier ou de le brader. Toutefois il faut le rappeler,  l’effondrement de la biodiversité n’est nullement lié au développement des EnR mais est bien préexistant. La responsabilité en incombe à l’agriculture intensive et chimique, à la disparition des zones humides, aux pollutions diverses et variées, à  l’artificialisation liée au développement de l’habitat, au tertiaire et à  l’industrie, à  la pêche industrielle…et j’en passe.

Attention donc à ne pas laisser associer EnR et attaque de la biodiversité, argument très utilisé par les libéraux et pro-nucleaires de tous ordres qui s’en servent et oublient rapidement leurs responsabilités vis-à-vis des multiples dérèglements actuels.
Bien entendu, il s’agit de s’assurer du plus faible impact du déploiement des EnR mais, il faut l’assumer, les EnR vont venir parfois bouleverser les paysages et certaines pratiques.

Voilà pourquoi les écologistes, sommés de prendre position sur la proposition de loi de la RIIPM, difficilement amendable, ont voté au Sénat pour ce projet. Ceci avec la conviction qu’il est indispensable de sortir des fossiles et du nucléaire, et qu’en parallèle il faut  lutter avec acharnement contre les vraies causes de la sixième extinction. Surtout ne pas se laisser piéger par ce raccourci qui rendrait les EnR responsables de tous les maux … mais en fait où est le piège ?

Oui il y a des impacts des EnR sur la biodiversité

….mais  attention à  relativiser les impacts par rapport aux enjeux. Les chats tuent 20 millions de passereaux, les chouettes et les petits mammifères sauvages jonchent les bas côtés des routes, les chauves-souris disparaissent avec les insectes. Bien sûr si l’on pouvait éviter d’apporter d’autres perturbations (même sans commune mesure) avec les Enr ce serait idéal.

Le problème c’est qu’il n’y a pas de production d’énergie parfaitement propre. Nous n’avons pas le choix et quelques panneaux solaires sur les toitures  ne sont pas à l’échelle des enjeux. Nous aurons besoin de  solaire et d’éolien en diffus mais également de parcs éoliens en mer de grande taille.

Attention aux projets concernés

La massification des EnR ce n’est pas que des éoliennes et des panneaux photovoltaïques à implanter. C’est aussi des usines de batteries, des sites d’extraction de lithium, des nouvelles routes d’accès etc…

Et sans être soupçonné de partager l’analyse des « libéraux et pro-nucléaires de tout ordre », il est difficile de méconnaître les multiples pressions sur la biodiversité existantes et à venir et la nécessité de réagir.

Surtout, faisons attention à ne pas nous conforter dans cette lecture de nos opposants selon lesquels les associations écologistes sont des antitout. Le plus souvent les associations parviennent à avoir une analyse beaucoup plus fine, moins manichéenne que les représentants élus ou délégués comme les préfets.

Prenons l’exemple de l’éolien en mer, pour lequel, comme pour l’éolien terrestre, nous n’avons toujours pas de véritable planification à l’initiative de l’Etat. Les oppositions portées par les associations sur le parc de Dunkerque ou sur les projets en Méditerranée, tiennent un discours pro EnR tout en déplorant ou en combattant le choix d’emplacements inadaptés. Elles proposent aussi des implantations alternatives, déplacer le projet d’une trentaine de km à Dunkerque ferait une différence phénoménale pour la biodiversité.

Avec la RIIPM, le parc éolien de Dunkerque se fera à l’endroit qui permettra d’optimiser les coûts des opérateurs, quels que soient les impacts sur la biodiversité ; y compris sur des zones Natura 2000, des couloirs migratoires, des zones de nidification et de repos d’importance nationale voire internationale. Suivent déjà et suivront sur la même voie, en d’autres lieux, les mines et les projets extractivistes, les implantations industrielles nécessaires, indifféremment de leurs impacts sur la biodiversité. La place de la biodiversité pèsera peu dans les décisions prises tout au long des phases du projet. « Eviter, Réduire, Compenser » deviendra compenser, point.

La biodiversité a-t-elle besoin de facteurs de pression supplémentaires ? Assurément non. Avec la RIIPM, qui octroie l’autorisation de « destruction » d’espèces protégées au titre du code de l’environnement, nous achèverons d’opposer le climat à la biodiversité, et compromettrons encore plus l’habitabilité de la Planète. 

N’ayons pas, n’ayons plus la biodiversité honteuse, qu’elle soit remarquable ou ordinaire. Et ne laissons pas passer la RIIPM (Raison Impérative d’Intérêt Public Majeur)  en l’état.

Ne cherchons pas à être respectables

Ne nous laissons pas enfermer dans une démarche d’utilité publique où nous n’avons plus la main.

L’utilité publique est un droit supérieur au nom duquel les projets peuvent être autorisés en s’appuyant sur une procédure d’enquête publique … qui s’apparente aujourd’hui à un « exercice de neutralisation argumentaire ».

Les « opposants locaux » (pour se positionner il n’y a que ce choix de statuts) à un projet d’aménagement peuvent s’exprimer, mais les pouvoirs publics se contentent le plus souvent de répondre aux objections avec les arguments des promoteurs. Et, s’il arrive qu’ils amendent le dossier c’est à la marge qui est une manière de mettre en pratique une règle établie pour ne pas remettre le projet en cause  « comment avoir l’air d’avoir entendu tout le monde sans tenir compte de rien ». Une tendance que la « simplification administrative » ne risque pas d’inverser, puisque les consultations électroniques remplacent de plus en plus souvent les véritables enquêtes.

Au-delà des procédures il reste un problème de fond : la croissance ou « un développement massif » étant toujours posée comme un bien en soi, l’utilité publique ne s’évalue au final qu’en fonction de l’impact économique attendu à court terme … jamais un projet n’est évalué au moment de sa « faisabilité » avec l’ensemble des paramètres sociétaux, sociaux, d’impact sur la biodiversité, le climat etc..

Coconstruire la faisabilité.

La faisabilité c’est avant le démarrage proprement dit du projet, prendre en compte tous ses aspects et impacts.

Le retour sur investissement d’une opération est grandement amélioré si une étude de faisabilité est réalisée au préalable et tous les paramètres évalués ; le pourcentage de chances de prendre les bonnes décisions pour aboutir au succès du projet est bien plus important.

Avant de démarrer des investissements, un promoteur quel qu’il soit (public, privé, citoyen), ayant l’intention de faire appel à des dérogations au droit (RIIPM) ou même devant passer par une enquête d’utilité publique, devrait être dans l’obligation avant tout de réaliser une étude de faisabilité associant le « publique » en coconstruisant avec les citoyens acteurs et utilisateurs, la population et les associations, en lien avec le projet.

Pour être clair ne pas attendre que le projet soit « ficelé » pour demander des avis.

Par conséquent il semble important de s’opposer à la RIIPM si elle n’impose pas une co-construction avec le « publique » de l’étude de faisabilité.

 Christian OLIVE avec la participation de Julie, Nicolas et Aurelien

Une réflexion au sujet de “Le droit de l’environnement ne doit pas être un droit à la destruction !

  1. Bonjour à vous et sincèrement c’est tellement juste et exact. Je suis la directrice en retraite du conservatoire d’espaces naturels de Poitou Charentes, je me suis battue contre RFF puis LISEA mais surtout contre un SGAR puis un préfet pour que le projet puis le fuseau de ce qui devait favoriser des déplacements par le rail économes et écologiquement propres évite réduise et compense… Conformément aux lois déjà en vigueur. Puis ce furent les éoliennes … il est certain que l’assouplissement des lois déjà réduites à du blabla d’ecolo par les préfets et les industriels et les financiers privés de ces opérations aggrave la situation, discrédite la volonté des écologistes de Développer les EnR et divise même au sein de notre parti politique entre protecteurs de la biodiversité et promoteurs des ENR. Pourtant les procédures encore en vigueur permettaient aux assos aux citoyens de s’engouffrer dans des brèches pour résister tout en contribuant à des projets moins mal foutus pour la biodiversité. C’est possible, je rêve mais il faudrait delà donner autant de poids aux personnes compétentes en écologie ( naturalistes, ingénieurs en écologie, chercheurs) qu’aux industriels et financiers de tous poils de ces projets toujours extrêmement couteux pour les citoyens et la nature !

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