Les présidentielles 2022, c’est demain, et la question est simple : la social-écologie politique veut-elle jouer les agents d’ambiance, témoigner (une fois de plus), figurer (parmi les formations à haut score électoral) ou gagner ? Je m’efforce encore de croire en la quatrième option, mais, si c’est le cas, le Parti EELV(1) doit rapidement clarifier sa trajectoire.
Le dernier congrès annonçait une transformation du mouvement et semblait avoir identifié deux impératifs.
1) La nécessité de se dépasser. En affirmant sa volonté de redonner tout son sens à la politique : une politique qui ne serait plus un simple jeu de pouvoir entre acteurs mais une certaine idée du contrat social et donc du vivre ensemble. En faisant de la politique autrement, en pratiquant une gouvernance horizontale, en agissant avec l’ensemble de la mouvance sociale et des dynamiques citoyennes, en soutenant la construction d’un Archipel de l’écologie et des solidarités. Cet archipel offre, en effet, une capacité unique à faire dialoguer représentants des organisations politiques et représentants des collectifs et du monde associatif.
2) La nécessité de rassembler toutes les formations politiques à vocation écologique au sein d’une maison commune. Se rassembler en élaborant des convergences, en opérant des regroupements ponctuels par projet, en co-construisant les bases d’une majorité d’idées et d’action.
Force est de reconnaître que le récent coup de force de Yannick Jadot met à terre cette noble et salutaire ambition. Il est un pavé lancé dans la mare, une insulte à la stratégie de dépassement et de rassemblement issue du congrès, autant qu’une négation des résultats des municipales qui ont vu triompher une vague, certes verte, mais aussi rose, rouge et jaune (citoyenne). Proposer une primaire interne à l’alcôve EELV revient à ignorer les attentes citoyennes, à renier l’engagement de faire de la politique autrement, à mépriser les partenaires du rassemblement. La proposer d’ici décembre 2020, c’est briser la dynamique des alliances en vue des élections départementales et régionales. Plus grave, c’est inverser le calendrier des présidentielles, en nommant le porteur de drapeau avant de choisir le drapeau. Car qui peut dire que le drapeau (c’est-à-dire le programme) est choisi ? Qui peut dire que nous sommes au clair sur la politique économique (quelque part entre croissance verte et décroissance), sur la place donnée à la justice, la protection et l’émancipation sociales, sur le rapport à la République et à l’autorité, sur la vision d’un l’aménagement équilibré et soutenable des territoires, sur le devenir du projet européen ? Surtout, qui peut affirmer que les citoyens ont compris les positionnements et les propositions concrètes de l’écologie politique sur tous ces sujets ? Qui les a compris au sein de la première vague électorale, celle des abstentionnistes ? Combien de citoyens savent que la croissance verte, de plus en plus largement préemptée par Macron et son équipe, est incompatible avec les limites des ressources planétaires autant qu’avec la justice sociale ? Combien perçoivent le lien entre politiques climatiques et protection des plus vulnérables ? Combien savent comment mettre en acte les injonctions de la Génération climat et de Greta Thunberg ?
Réflexion collective, large débat et pédagogie intensive, voilà les urgences, bien loin des poussées d’égos(2). Sortons vite de cette impasse ! Œuvrons de toutes les forces de nos petits bras de coopératrices et de coopérateurs pour que cette stratégie perdant-perdant soit évacuée d’ici le prochain Conseil fédéral.
Patrick Salez
Coopérateur EELV
Poitou-Charentes.
(1) Figurez-vous qu’au sein du Mouvement EELV, il y a un Parti et une Coopérative. Et que celle-ci existe, je l’ai rencontrée. Il est important de signaler que la Coopérative ne participe pas aux campagnes électorales, à l’exception des élections présidentielles, auxquelles elle est associée aux côtés du Parti. Le choix du ou de la candidate la concerne donc directement.
(2) Que la poussée d’égos soit en jeu ou pas dans cette affaire importe peu. Ce qui compte est qu’elle apparaisse comme telle aux yeux des citoyens.
OK, mais on fait quoi ?! OK pour définir un programme (drapeau) qui tiens la route, et qui rassemble largement (ce qui est le plus difficile !). Mais à la fin, il faudra bien trancher, les personnalités intéressantes ne manquent pas, mais aucune n’est consensuelle. Et soit on s’allie avec un parti qui se rapprochera le plus de notre programme, sans tête de liste EELV, soit on a une tête de liste EELV, qui doit « ratisser large », pour être au moins au 2ème tour en 2022, et -rêvons- gagner, ou, sinon, avoir au moins un groupe fort aux législatives qui suivent.