Eaux sec… !

Après une mauvaise nuit à tourner en sueur dans le lit par ce temps de canicule, Joseph se lève, va sous la douche froide, mouille et savonne ses cheveux et…

Plus d’eau !

Que se passe-t-il ? Aucune coupure n’était annoncée ? Rupture de canalisation ? Il va à la cuisine même absence d’eau, juste un vague crachotis d’un robinet qui tousse de l’air. Obligé de prendre une bouteille d’eau de source pour se rincer un peu les cheveux.

Il s’habille et sort frapper chez les voisins : Chez vous aussi ? Alors c’est l’immeuble qui est touché !

Sorti dans la rue il rencontre son boulanger qu’il trouve en train de charrier des bidons… Vous savez ? L’eau n’arrive plus en ville !

Le temps de réaliser l’importance de la nouvelle, il se précipite au supermarché mais découvre que déjà tous les rayons de bouteilles d’eau sont vidés. Curieux il soulève le voile de plastique qui mène aux stocks et voit la direction en train de ré-étiqueter au prix fort les deux palettes restantes. Patiemment il reste planté là pour attendre la sortie de la palette vers les rayons et, sans écouter les protestations du cariste, prend quatre packs d’eau et fonce vers les caisses, immédiatement imité par d’autres clients dont les derniers en viennent aux mains.

Épuisé par le poids il rentre chez lui et machinalement va pour se rafraîchir … Ah zut ! …et il entame sa première bouteille d’eau…

Mais comment va-t-on faire sans eau ?

Sur les ondes les médias expliquent avec force intervention de messieurs encravatés dit savants, des politiciens affirmés et des spécialistes au curriculum aussi impressionnant que leur anonymat : C’est la faute au climat qui a fait fondre les glaciers et l’absence forêts a créé une sécheresse que n’ont fait qu’envenimer les incendies. Nous constatons que les barrages non alimentés sont au-dessous du minimum, l’eau restante doit donc être réservée à l’agriculture pour cause de risque de famine et de toute façon elle est devenu par eutrophisation, trop chaude, trop verte d’algues toxiques.

Alors ce n’est la faute à personne ? Pourtant l’assèchement du lac Tchad ou de la mer d’Aral étaient de sacrés avertissements !

Et les forages ils servent à quoi ? Comme s’il avait entendu un ingénieur explique que les premiers ont déjà fait assécher les puits, comme les puits qui avaient souvent asséché les sources autrefois, et chaque forage doit aller plus profond que le voisin en transperçant les couches d’argiles imperméables car il faut bien contenter le client. Ainsi les nappes phréatiques s’enfoncent toujours plus loin des racines des arbres qui se dessèchent prêt à s’embraser ! Et toujours plus d’énergie nécessaire pour extraire chaque litre d’eau souvent déjà pollué.

Joseph réfléchit et pense qu’il va falloir faire le plein quelque part, il repense au boulanger : Bidons ! Il part en vitesse vers la quincaillerie la plus proche…  Plus de bidon déjà !

Bon j’ai de quoi boire quelques jours c’est déjà ça. En sortant des toilettes il tire machinalement la chasse qui fit généreusement son dernier travail mais resta inhabituellement silencieuse. Merde alors comment je vais faire maintenant ? Et pour me laver, le linge, la vaisselle… et mes plantes ? Récupérer peut-être la condensation du climatiseur ? Je ne vais pas aller loin avec ça.

Sorti dans la rue, il constata vite que tous avaient les mêmes interrogations.  Il croisa des porteurs de bidons venant de la dernière fontaine publique fonctionnant en circuit fermé mais vidée à tour de bras, elle finit par s’arrêter. Il cru même entendre le râle des pompes se détraquer en tournant à vide.

Même les pigeons traquaient la moindre éclaboussure.

De retour chez lui, la chaleur le suffoqua. Ce n’est pas vrai quoi, le climatiseur est arrêté ? Zut ! Plus de courant non plus… La télé éteinte ne pouvait plus l’informer que les centrales nucléaires ont dû être stoppées en catastrophe faute d’eau suffisante pour les refroidir et que les ingénieurs traquaient le moindre filet restant pour juste empêcher leur cœur de diverger donc d’exploser et d’irradier. Mais pour cela, il fallait d’urgence de l’énergie, alors toute celle des panneaux photovoltaïques a du être réquisitionnée.

Jusqu’au dernier moment les autorités ont refusé de céder à la panique espérant en vain des orages salvateurs, résultat il était bien trop tard pour prendre des mesures que de toute façon l’absence de communication rendaient inapplicables.

Sans eau, plus d’énergie, plus de vie, aucune entreprise ne saurait produire quoi que ce soit.

Alors commença l’exode, des milliers de gens chargeaient quelques biens sur leur voiture pour quitter une ville devenue invivable. Dans les grands immeubles privés d’ascenseurs on entendait les gens hurler dans les escaliers encombrés des fuyards et de leurs valises.

Il ne restait que cette solution : fuir, mais aller où ? Là où il y a de l’eau, près de la mer, ou ce qui reste des grands fleuves. Sur la route les files interminables de véhicules, hétéroclites, sales, surchargés et souvent immobilisées par celles qui étaient tombées en panne par manque d’eau de refroidissement, encombraient la route jusqu’au plus proche fleuve. Mais la foule envahissait les deux rives avec forces tentes et abris de fortune, chacun défendant avec rage et violence son moindre mètre d’accès au rivage. Cela l’inquiéta. La mer ? Cela risque d’être pire, et comment faire de l’eau douce avec de l’eau salée sans énergie ?

Dans le paysage courraient librement des incendies, et leurs déserts noirs encore fumant faisaient peine à voir.

Il repensa à cette petite ferme de son enfance au fond des bois avec son puits si généreux. Après des heures de patience plus que de route, il finit par retrouver le petit bâtiment heureusement désert. Ayant couru jusqu’à la margelle et pu enfin voir avec un profond soulagement le reflet de son visage au fond du puits.

C’est alors qu’il commença les fortifications, et mis toute son énergie en murs, pièges, barbelés, fusils du grand père armés, camouflages, surveillance… S’il veut survivre il devra défendre son puits jusqu’à la mort…

Mais au bout de son chemin apparut bientôt une voiture, puis une autre, un camion, et tous ces gens assoiffés qui avaient un jour su qu’ici, restait encore un puits. A boire !

Au secours ! Eau sec…

Alain Persat

Coopérateur PACA

Une réflexion au sujet de “Eaux sec… !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *