Message de WISE-Paris, en réponse à une polémique agitée par la SFEN
Version mise à jour – Paris, 30 juin 2018
La Société française d’énergie nucléaire (SFEN) a jugé utile, alors que s’achève le débat public sur la
Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), d’agiter une étrange polémique (1). La SFEN accuse en
substance la Commission particulière du débat public (CPDP) chargée de ce débat d’en avoir biaisé les
termes en utilisant des chiffres dont la source serait l’agence d’information et d’expertise WISE-Paris.
De quoi s’agit-il ?
Dans la fiche n°3 du matériel d’information proposé au G400 (2), ce panel de 400 citoyens réunis le 9 juin
2018 à l’Assemblée nationale, la CPDP apporte, parmi de nombreux autres éléments, un éclairage sur les
émissions de gaz à effet de serre associées à la production d’électricité nucléaire. La CPDP propose ainsi
une valeur de 66 gCO2/kWh pour le nucléaire, dont elle attribue la source à WISE-Paris, indiquant que
cette valeur est à comparer avec des chiffres pour chaque filière, dont elle précise que la source est le
Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). La SFEN voit dans cette
distinction la volonté manifeste d’influencer les réponses du G400 aux différentes questions qui lui sont
soumises, dont deux portent plus spécifiquement sur le nucléaire.
Il n’y a en réalité matière à aucune polémique.
En premier lieu, le chiffre dont WISE-Paris serait la source est en réalité issu d’une publication
scientifique (3). Il s’agit d’un article qui, sur la base d’une méthode de revue bibliographique couvrant
plus de 100 études, établit la médiane des évaluations en analyse cycle de vie des émissions associées au
nucléaire. La validité de cette méthode ne fait aucun doute, comme l’a d’ailleurs confirmé, dans le cadre
du débat public, la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) (4). Ce chiffre est comparé aux
valeurs moyennes proposées par le GIEC, qui fournit pour chaque filière une fourchette plus ou moins
large, issue de la revue des publications scientifiques.
Pour le nucléaire, la fourchette retenue par le GIEC va de quelques grammes à plus de 100 gCO2/kWh. La
valeur de 66 gCO2/kWh est donc bien située dans cette fourchette. Comme le rappelle la Présidente de la
Commission nationale du débat public (CNDP) dans sa réponse à la SFEN (5), cette information ne biaise
donc en rien le rapport, tenant compte des larges incertitudes, entre les émissions plus faibles mais non
nulles induites par le nucléaire (et les renouvelables) et les émissions très élevées des énergies fossiles.
Le rapport de WISE-Paris mis en cause est une étude produite en 2015 pour le Réseau Action
Climat (RAC) et d’autres associations (6). Il n’introduit aucun biais sur cette question dans la mesure où il
rend compte à la fois du chiffre de 66 gCO2/kWh et de l’ensemble des données du GIEC, y compris pour
la filière nucléaire. La CPDP a fait le choix légitime, sans aucune concertation préalable avec WISE-Paris,
d’extraire ce chiffre pour compléter l’information du public.
Que recherche ainsi la SFEN ?
La production de cette étude de 2015, basée sur des données factuelles ou scientifiquement établies, et
l’utilisation de ce chiffre par la CPDP dans le cadre de ce débat public sont conformes aux règles de
réfutabilité auxquelles s’engage WISE-Paris. C’est le rôle d’une agence indépendante d’information et
d’expertise, sans objectif statutaire partisan en faveur ou en défaveur de telle ou telle solution.
Sa mission, associative, est essentiellement de promouvoir l’information du public sur les différentes
sources d’énergie et de développer la compréhension des questions énergétiques, incluant aussi bien les
impacts des énergies renouvelables que les conséquences des usages de l’énergie nucléaire.
La SFEN, qui se donne notamment pour mission de « valoriser l’excellence scientifique et la rigueur
technique de la filière nucléaire », est dans une posture différente (7). Il est regrettable que cela la
conduise à semer ainsi la confusion aux seules fins de discréditer le dispositif du G400. Et plus largement
un débat dont manifestement, malgré la mobilisation de ses troupes, les premières conclusions ne lui
conviennent pas.
En complément…
WISE-Paris tient par ailleurs à souligner que le contenu en carbone des émissions directes et indirectes
des différentes options de production d’électricité n’est pas un indicateur suffisant pour comparer
l’efficience des options de lutte contre le changement climatique. La question posée est celle du
déploiement de solutions permettant, à partir de la situation existante, de réduire les émissions : la
rapidité de déploiement et le coût doivent entrer en ligne de compte, ainsi que les autres effets
environnementaux.
Si le nucléaire et les renouvelables se situent intrinsèquement à des niveaux proches de faibles émissions,
les secondes apparaissent de plus en plus comme une option plus rapide, moins coûteuse et moins
porteuse de risques à mettre en oeuvre. Il faut surtout rappeler, au-delà de cette comparaison entre
moyens de production, que la maîtrise de la consommation d’énergie reste globalement l’option la plus
propre, la moins chère et la plus rapide de réduction des émissions.
(1) SFEN, Les chiffres du débat PPE sont-ils “relatifs” ?, 28 juin 2018 – lien
(2) CPDP du débat public PPE, Fiche 3 du G400 Energie – “Choisir”, juin 2018 – lien
(3) Sovacool B., «Valuing the greenhouse gas emissions from nuclear power: A critical survey», Energy Policy, 36,
avril 2008 – lien
(4) DGEC, Réponse de la maîtrise d’ouvrage à la question n°555, 26 juin 2018 – lien
(5) Lettre de Mme la Présidente de la CNDP à Mme la Déléguée générale de la SFEN, 28 juin 2018 – lien
(6) WISE-Paris, L’option nucléaire contre le changement climatique – Risques associés, limites et frein aux
alternatives, octobre 2015 – lien
(7) SFEN, Nos missions, non daté – lien