Afin d’affronter la « guerre » contre le dérèglement climatique, Nicolas Hulot vient d’appeler à l’unité par-delà les clivages politiques : « Il est urgent d’affronter la réalité climatique, écologique plutôt que de toujours lui tourner le dos. Nous devons absolument nous rassembler, au-delà de toutes nos barrières politiques, religieuses pour changer nos modes de vie. En temps de guerre, on est capable de s’unir sur l’essentiel. Et nous sommes en guerre ! » Le diagnostic est parfait, la réalisation un éternel recommencement, du Front populaire de 1936 au Programme commun de 1972, l’histoire nous apprend à relativiser.
Aujourd’hui on rêve d’Archipel, ou de « Big bang ». Plus d’un millier de signataires autour de Clémentine Autain (LFI) et Faucillon (PCF) demandaient un big bang nécessaire pour construire une espérance capable de rassembler et de mobiliser. Ils réunissaient leurs soutiens le 30 juin. En théorie il ne s’agit pas d’« une soupe de logos », mais d’une forme d’alliance entre forces associatives, syndicales, politiques, (et en même temps de) citoyens lambda. Or sans leader charismatique, ce qu’attendent à la fois les médias et le grand public, il n’y aura aucune cristallisation durable. Notre démocratie de masse, avec des millions de concitoyens, fait comme si l’on voulait donner le pouvoir au peuple, fait croire à chaque Gilet jaune qu’il incarne personnellement le peuple, mais c’est toujours un populiste individualisé comme Mélenchon, Marine Le Pen ou Macron qui sort du chapeau.
La deuxième source d’échec d’un rassemblement des forces écologiques et solidaires est l’étiquette qu’on veut se donner. Par exemple, Clémentine Autain (LFI) se réclame de la « gauche écologiste et populaire ». Alexis Corbière (LFI) défend au contraire une ligne « populiste et humaniste » : il souhaite abandonner la référence au mot « gauche », vide de sens selon lui. Rappelons que pour Nicolas Hulot, l’écologie transcende la dichotomie traditionnele droite/gauche,il veut rassembler « tous ceux qui ne se résignent pas au déclin conjoint de l’humanité et de la nature », ce qui en d’autres termes concerne tout le monde. Nous n’en arriverons à ce consensus commun qu’avec la multiplication des catastrophes socio-écologiques, dont la canicule en France n’est qu’un des premiers symptômes. A ce moment-là apparaîtra comme par enchantement un ou une leader qui nous entraînera sur la bonne (ou la mauvaise) pente d’un éco-totalitarisme.
En attendant ce moment fatidique, je crois à deux instruments de changement.
- Le premier, c’est le travail idéologique qui fait progresser l’idée écolo dans les institutions présentes et les imaginaires collectifs. Je défends personnellement cette idée de différentes manières, « formation » à promouvoir au sein d’EELV, existence de mon réseau « biosphere » (un site et un blog) ou écriture de livres. D’autres agissent de manière similaire. Le rayon « écologie » est devenu un rayon à part entière en libraire et des émissions télévisées montrent de plus en plus souvent la détérioration de notre planète.
- Le deuxième est l’action directe, non violente et incisive, portée par des mouvements comme la grève scolaire pour le climat (une seule personne, de 16 ans seulement, a mis en branle tout un mouvement international) ou le mouvement Extinction Rebellion qui cherche à bloquer symboliquement notre système mortifère. Le fait que quelques militants, occupant le pont de Sully à Paris pour presser le gouvernement d’agir en faveur du climat, aient été évacués de façon musclée par les forces de l’ordre le 28 juin, est l’un des éléments qui concourent par sa diffusion médiatique au nécessaire changement culturel : nous devons nous rassembler comme en temps de guerre, la guerre pour le climat, pour la biodiversité, pour la sauvegarde de nos sols et de nos forêts, etc. Les actes de résistance précèdent le jour de la Libération.
Michel Sourrouille
Coopérateur EELV
Poitou-Charentes