L’une des caractéristiques de l’écologisme est sa préoccupation du long terme, à savoir le sort des générations futures et de la biodiversité.
Les zadistes en lutte contre l’aéroport à NDDL avaient comme principal argument la protection des terres menacées par la bétonisation et ses conséquences sur les ressources agricoles et la biodiversité. D’autre part, faire voler un objet plus lourd que l’air nécessité beaucoup d’énergie : on brûle du kérosène. Or, la descente énergétique va commencer et le réchauffement climatique s’accélérer, ce qui rend improbable la montée en puissance de l’aviation dans l’avenir. Les zadistes de NDDL protégeaient donc le long terme. Ils avaient raison.
Qu’en est-il maintenant de Bure ? Deux opposants ont été condamnés, le 19 mars 2018, à trois mois de prison ferme et donc incarcérés. Leur contestation du centre d’enfouissement des déchets radioactifs est-elle fondée ?
Le gouvernement devait tester trois options, la transmutation, l’entreposage de longue durée en subsurface et le stockage en profondeur. La transmutation reste du domaine des utopies technologiques. Alors, entreposage ou enterrement ? Car il ne s’agit pas de s’opposer à un nouveau projet inutile et imposé comme à NDDL. Il faut gérer l’existant, des déchets dont la virulence va mettre des centaines de milliers d’années à se résorber.
Le problème de fond, c’est qu’envisager sereinement une gestion des déchets sur des siècles est une imposture, car les sociétés humaines sont essentiellement fragiles sur le long terme. En un siècle, qu’a déjà connu la France ? Deux guerres mondiales, plusieurs chocs pétroliers, des crises financières… Comment répondre de la sécurité du CIGÉO au cours du siècle à venir (option gouvernementale) ou de celle d’un entreposage en surface (option d’EELV) ? CIGÉO (Centre industriel de stockage géologique) est un projet de très longue haleine : la mise en service du centre de stockage est prévue vers 2026 ou 2027 et sa fermeture au milieu du XXIIe siècle. Il n’est pas sûr que nous puissions financièrement et socialement tenir un tel agenda.
Le site Reporterre estime qu’il est temps de réfléchir à l’entreposage à terre, ce qui se fait en piscine à l’heure actuelle. Cela permet une évacuation des calories, avec accessibilité garantie, sans risque de surchauffe accidentelle. Mais la stabilité de déchets vitrifiés pourra-t-elle être assurée à long terme ? La question reste donc entière : mettre des déchets à très longue durée de vie dans des piscines ou dans des grottes suppose de disposer des possibilités humaines de maintenance des lieux pendant des centaines d’années.
Vaut-il mieux des déchets toxiques à 500 mètres sous terre ou à l’air libre pendant une période qui dépasse notre horizon socio-économique ?
Au début de l’année 2006, le président de l’ANDRA (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) avait envoyé aux députés français le « dossier 2005 Argile » (qui traite du centre d’enfouissement à Bure), en reconnaissant qu’il n’avait pas été produit de seconde version du « dossier 2005 Granite » (relatif à un centre de stockage dans le granite, projet qui a été abandonné). Argile ou granite ? En Finlande, le centre d’enfouissement nucléaire d’Onkalo ne suscite pas de protestations. Avec ses deux milliards d’années au compteur, la roche granitique est idéale, c’est une zone géologique stable. Et même si l’inconcevable se produisait, les modélisations montrent que la radioactivité qui remonterait à la surface serait largement en dessous des doses autorisées.
La pire option serait de ne rien faire et de laisser les combustibles usés à la surface, juge Greenpeace.
Le nucléaire civil, qui ne tenait pas compte du cycle de vie du produit (de la ressource à la maîtrise des déchets), n’était pas une activité raisonnable. Accepter Bure parce qu’on n’a plus vraiment le choix, c’est aussi trouver absolument inacceptable toute nouvelle construction de réacteur nucléaire ! C’est à mon avis l’EPR de Flamanville, dont la mise en service est prévue fin 2018, contre lequel aurait dû porter prioritairement les actions des militants écolos.
Michel Sourrouille
Coopérateur EELV
Poitou-Charente