Au-delà du binaire : vers une diplomatie de la relation.

Il y a plus de 40 ans, j’avais repéré que l’erreur du marxisme était de se contenter de jouer de la dialectique, qui n’est qu’une forme sophistiquée du binaire. À un moment où les enjeux sont énormes, il est plus que jamais indispensable de s’installer dans une position d’écoute de la spécificité de l’autre, pour mieux être à même de réguler les dysfonctionnements.

Cela ne se fera pas seulement par des simples lois. C’est pourquoi la politique écologiste doit apprendre à se démarquer de toutes les autres formes politiques et afficher un mode de gouvernance en consultant tous les citoyens, à l’instar de la Convention climat. Cela suppose de recomposer les propositions pour aboutir à quelque chose plutôt que de dire quelque chose.

Il se trouve qu’il y a un philosophe qui reprend cette pédagogie de la relation (initiée par Josiah Royce dans les années 1900) et qui s’appelle Baptiste Morizot. Plutôt que de déployer mon point de vue, j’ai choisi de le citer.

« Trancher fermement pour l’ambivalence, se maintenir dans l’incertitude, dans la pluralité des points de vue contradictoires, pour chercher des solutions plus saines et plus viables au service des relations d’interdépendance ».

Il faut, c’est étrange, se maintenir volontairement dans le sentiment, léger mais latent, d’être traitre à tous, à force de ne pas choisir un camp contre l’autre. Bien saisir

« que chaque camp a tendance à négliger les interdépendances les moins évidentes avec les autres camps, il se situe dans le périmètre berger-mouton-loup-écolo ».

La diplomatie des interdépendances n’a rien à voir avec nos morales hiérarchisées de victimes et de coupables.

Défendre le pastoralisme, qui a des égards pour la prairie et pour le milieu, ce qui induit des plus petits troupeaux, ce qui diminue la prédation par les loups et nous encourage à consommer moins de viande tout en diminuant les ruminants.

Pour activer une pensée de la relation dans le champ des forces transformatrices, il faut trouver des intercesseurs entre la logique des termes, qui est notre héritage, et celle des relations. Il faut donner des mains au concept de relation, au concept d’interdépendance, et il leur faut des voix. Disposer d’un corps d’intercesseurs capables de créativité, activant la création d’un nouvel agencement du désir qui fait bouger les lignes originelles. Les interdépendances relèvent des exigences multispécifiques du milieu vivant qui accueille le collectif humain. Elles sont en partie construites et impliquent des décisions.

Cette position d’intercesseur peut arriver à n’importe qui. Il suffit de contacter le chamboulement intérieur moral, de se sentir un peu traître à tous, car au service de la relation(1).

La politique de l’interdépendance permet la négociation avec tous les membres du tissage qui le font tenir et tiennent par lui autant que la lutte contre tous ceux qui le détruisent.

Le jeu des alliés se fait à la lumière des interdépendances. Cela recompose le paysage politique.

Antoine Valabregue,

Coopérateur EELV

Languedoc-Roussillon

(1) Je vous renvoie au travail que j’ai réalisé dans ce sens entre des pro et antinucléaires pour régler la question des déchets nucléaires, qui a abouti à un protocole partagé en Europe, suite à une seule journée de travail avec

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