Introduction de l’atelier « l’énergie de la (dé)mobilité. »
Bonjour à toutes et à tous, bonjour à touz
Cet atelier est porté par la Coopérative Europe Ecologie Les Verts.
Pour construire la réflexion politique la coopérative est très attachées à la mise en place d’une intelligence collective construite sur trois rationalités présentent sur ce plateau et que je salue.
- La rationalité savante présente avec Simon Métivier en charge pour l’association Solagro des projets liés aux gaz renouvelables : biométhane, gazéification, « power to gas » et méthanation.
- La rationalité institutionnelle avec Karima Delli, Eurodéputé à la tête de la commission transport du parlement européen et Thomas porte conseiller politique spécialisé dans le ferroviaire.
- Et la rationalité citoyenne engagée avec Amandine Richaud Crambe, directrice de la Fabrique des Mobilités, et moi-même Christian Olive membre de la coopérative EELV.
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Cet atelier part d’un constat.
L’électrification du parc de la mobilité est donnée aujourd’hui comme la principale réponse aux déséquilibres environnementaux induits par nos déplacements et transports. C’est un engagement économique et structurel qui n’est pas raisonnable socialement ; voire même impossible[S1] techniquement et technologiquement dans un temps court.
De plus c’est surtout une vision dont le périmètre d’analyse écologique est beaucoup trop restreint, on se préoccupe principalement de pollution et cette volonté tient peu ou pas compte de la multiplicité des transitions nécessaires et de ses impacts sociaux.
Nous vivons donc une époque formidable, après le tout électrique pour le chauffage des bâtiments et pour leur confort d’été, voici venir le tout électrique de la mobilité.
De même que pour la politique d’isolation de nos bâtiments, soyez-en sûr, la réduction de la quantité de nos déplacements sera économiquement et scientifiquement ajustée aux ambitions productives des fournisseurs d’énergie.
Je ne suis pas sûr que cette approche de la dé-mobilité nous intéresse et intéresse une grande partie de la population, préoccupée par ses besoins essentiels et sidérée par la situation actuelle.
Beaucoup d’individus, de citoyens ont envie de reprendre la main sur leur vie et ils vont peser par leurs nouvelles habitudes, leurs nouvelles peurs, leurs besoins de résistance au choc de la vie, mais aussi je le souhaite par leurs nouveaux émerveillements.
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Quelques mots d’histoire
La société actuelle a construit la mobilité autour de l’émergence des territoires spécialisés. On peut dater cette idée du milieu du 20ème[C2] siècle, Le Corbusier n’y est pas pour rien.
Dans un premier temps ce furent des zones ou quartiers dédiés à l’industrie, aux commerces ou à l’administration, et désormais à la consommation, la culture, l’éducation, l’habiter, et aussi la médicalisation avec le nouveau concept de ville hôpital ; surtout ne pas mélanger.
Aujourd’hui la mobilité n’est qu’un tunnel de circulation contrainte, vide de sens humain, qui relie ces différents pôles spécialisés.
Tunnel ou labyrinthe qu’on voudrait sans temporalité, parce que ressenti comme du temps perdu.
Vide de sens humain, mais alors premier questionnement : peut-on avoir un aménagement des territoires, un aménagement des villes, réduisant ces « temps morts » ? Peut-on remplacer ces pôles différenciés par des « cœurs de vie » recréant des équilibres de résilience basés sur la coopération, le partage et la solidarité ? pratiquement des lieux pensés et construits avec moins de cloisonnement et plus de diversité.
Aujourd’hui cette dé-mobilité va s’imposer, portée par la réalité que sont les besoins qui vont s’inscrire dans le temps, « de sécurité sanitaire » et de « sécurité alimentaire ». Et c’est toute la chaîne du transport et des déplacements qui va devoir suivre.
Bien sûr, dans les besoins sécuritaires il y a toujours une dose d’irrationnel.
Mais ces besoins sont là.
Pour la mobilité, les conséquences sanitaires de notre boulimie de déplacements et de transports nous rattrapent désormais ; comme le dérèglement climatique s’est installé en lien direct avec notre gloutonnerie énergétique.
Les virus et maladies sont constitutifs de l’espèce humaine, de la nature, de la faune, de la flore et un savant équilibre naturel nous permet de vivre avec eux en bonne intelligence.
Malheureusement, aujourd’hui la circulation très accélérée de ceux-ci ne laisse plus à notre nature le temps de s’adapter et « notre rationalité ordinaire », notre bon sens commun, qui n’est donc pas scientifique, va nous porter assez rapidement à moins bouger, moins se déplacer, moins déplacer les plantes, les aliments et à vivre avec une peur que nous allons avoir du mal à maîtriser, individuellement et collectivement.
Nous ne pouvons plus continuer à raisonner sur des infrastructures de transport avec des contraintes et des périmètres qui n’existeront plus et dont les signes avant-coureurs de remise en cause sont déjà bien présents.
Les pressions sécuritaires convergentes : sanitaire, alimentaire et aussi environnementale et climatique vont changer le modèle social et économique de notre mobilité
Cela se traduit déjà par des réticences à prendre les transports en commun, réticences à aller dans des lieux clos, préférences pour des espaces protégés, pour des espaces extérieurs, pour des cercles de confiance et aussi besoin de résilience par la proximité des autres, des produits, des fabrications, des productions.
Beaucoup de bouleversements sont prévisibles comme la remise en cause du modèle industriel et technologique centralisé, la remise en cause d’évidences devenues discutables comme le modèle de l’économie d’échelle permettant par l’augmentation d’une production ou d’un trafic d’obtenir soi-disant un meilleur service, sans compter la remise en cause de la valeur travail, conséquence de l’évolution du modèle de l’entreprise.
Tout cela est déjà « pressenti » mais participe encore, face aux enjeux, d’une certaine « mollesse » qui met de côté le pas nécessaire, alors que le lot de catastrophes et de dérèglements est déjà perceptible.
Ainsi la dé-mobilité ne va pas se construire mais s’imposer et c’est la nature qui nous rappelle à l’ordre.
Nous nous devons d’avoir cette lucidité d’un changement irréversible et proposer des possibles acceptables, montrer que l’on peut vivre mieux ou aussi bien sans cette agitation permanente et proposer les transitions nécessaires. Nous en avons la capacité si nous nous mobilisons collectivement sur cet objectif.
La dé-mobilité a besoin d’un scénario comme le scénario Négawatt pour l’énergie ou le scénario Afterre pour l’arbitrage des surfaces de terre entre production alimentaire et production énergétique.
On peut déjà évoquer quelques éléments qui semblent devoir s’imposer.
La dé-métropolisation :
Les métropoles actuelles vivent sous perfusion alors que dans une économie de proximité, d’équilibre, de coopération, de solidarité et de partage cette compétition pour agrandir l’influence des métropoles devient un engagement d’un autre âge.
On pourrait imaginer à long terme d’aller, avec une population de 60 millions d’habitants, vers la reconstruction de 2000 territoires/pays de 15000 à 30000 habitants. Le tissu existe déjà au sein de nos 36000 communes.
Les Pays de la loi Voynet en était une préfiguration dont la gouvernance est surement à améliorer, mais de telles entités, plus autonomes, échangeant différemment avec les autres, avec une recherche de proximité, impliquent de voir la mobilité autrement. La période de confinement récente nous a laissé des indices
Les réseaux vont se calibrer différemment
Aujourd’hui les trajets vers le lieu de travail habituel ou d’étude, de garderie pour les enfants en bas âge, structurent principalement la mobilité car ils représentent 27 % des motifs pour se déplacer et 41 % des distances parcourues et surtout doivent être réalisés dans des plages horaires imposées ce qui calibre à l’excès toutes les infrastructures.
Mais aussi, près de 70 % des déplacements des enfants de 6 à 14 ans sont effectués en voiture en grande partie parce que l’espace public, déserté par les habitants et confisqué par l’automobile, est devenu dans l’esprit des parents un espace insécure. La réappropriation des lieux de proximité devrait redonner de « l’air » aux enfants friands d’émancipation ; marche à pied et vélo ont des chances de réapparaître.
Pour explorer ce qui doit être adapté, requalifié, restructuré, réinventé[C3] , je vais passer la parole aux différents intervenants
Karima Delli si vous voulez bien débuter.
Quelques mots de conclusion Karima Delli
Remerciement final : Christian OLIVE
Merci pour votre attention. Le temps de cet atelier était court et l’exercice était précoce, mais j’espère que nous aurons suscité l’envie d’une exploration plus large du sujet et que nous avons posé les bases d’un questionnement sur ce qu’était nos certitudes d’hier. Cette remise en cause devra être présente pour conduire nos futurs engagements, et aussi pour que la mobilité redevienne un voyage.
[C2]Le Corbusier y a largement participé au travers de la Charte d’Athéne qui énonce les moyens d’améliorer les conditions d’existence dans la ville moderne, qui doit permettre l’épanouissement harmonieux (mais séparé) de quatre grandes fonctions humaines : habiter, travailler, se divertir et circuler
[C3](Roudault, 2014)
Bonjour,
Je rebondis sur la phrase: « Cela se traduit déjà par des réticences à prendre les transports en commun »
> je pense au contraire qu’il faut les développer, en parallèle du vélo et de la marche. Les voitures électriques ne sont qu’une solution très transitoire. A Paris, le réseau de la RATP a un maillage extraordinaire, comparé à d’autres capitales ou métropoles. Et, il faut arrêter d’en avoir « peur », pour toutes les mauvaises raisons ou arguments avancés. Donc, dans les grandes villes, c’est l’équation « métro-bus-tram / marche / vélo » , et oui, sans voitures ou presque, limités au stricte nécessaire. Pour cela, c’est toute une infrastructure et une politique à repenser, avant, bien sur, de l’imposer.