Abandonner la maison individuelle pour une organiCité de l’habitation

La maison individuelle c’est quoi ?

Aujourd’hui, et malheureusement, c’est un produit de consommation que l’on imagine déjà en dehors de tout contexte……. Tout est fait pour nous y porter, des catalogues aux expos en passant par le banquier et les difficultés d’acquérir.

C’est aussi et heureusement, une maison de rêve pour habiter et qui dispose d’espace en devenir, le grenier, le garage à aménager. Ce n’est plus un hébergement ou un logement.

C’est souvent la concrétisation et la volonté du renforcement de la famille. … ce n’est donc pas une envie de personnes isolées, les surfaces et les typologies des maisons individuelles n’y sont pas adaptées.

C’est l’aboutissement d’un parcours d’intégration à la société qui reconnaît et valorise ainsi la réussite apportée par un travail rémunérateur.

C’est un environnement que l’on pense plus « sécure » pour les enfants… c’est le nid !

Et enfin, c’est une réponse pour ne plus loger dans l’habitat collectif et de ce fait ajouter au simple droit d’occupation de son logement le droit d’usage personnel de la totalité du lieu.

La maison individuelle c’est penser que l’on va enfin habiter un lieu de vie.

En lotissement ce n’est pas le cas, on y vit la disparition de l’espace collectif, générateur de richesse quand il est partagé, au profit d’un espace public le plus souvent dédié à la circulation des voitures ; sortir dehors passe par une rupture violente entre l’intime et la sociabilité. Le plus souvent on se retrouve dans la rue qui n’est plus un espace de rencontre et de confrontation bienveillante facilitant la coopération mais une voie de circulation réservée à la mobilité motorisée. L’humain y est un étranger dérangeant !

La maison individuelle en lotissement, privée d’environnement collectif, crée l’enfermement. Elle renforce la pauvreté de l’individualisme.

Le collectif permet l’individuel, il permet à l’individu d’exister

D’une certaine manière, c’est la façon dont est traité le collectif (partager un environnement avec d’autres) qui paradoxalement construit le sens de ce qui est donné comme « habitat individuel».

Pour bien partager, il est essentiel de préserver son intimité et ce n’est pas la grandeur ni les murs du terrain ou du lieu qui apportent le respect de chacun. Il y a une dimension sociale dans ce respect de chacun mais la pratique de l’autre est grandement facilitée par la prise en compte d’espaces intermédiaires, pouvant sembler n’avoir aucune utilité, mais qui sont des espaces physiques d’articulation et d’intermédiation.

Ce sont des espaces charnière « entre deux » mondes plus clairement identifiés. Ils ont même parfois une charge symbolique. Ils peuvent être simplement un espace de transition et de séparation, on peut même penser qu’ils ne sont rien – Ils sont « entre deux » ; et pourtant ils sont essentiels.

Du privatif aux communs.

Cela commence à l’intérieur, entre l’intime et la sociabilité, une porte de chambre qui donne directement sur le salon n’est pas rassurante et procure un sentiment d’inconfort. Il en est de même si l’entrée n’existe pas et que l’on passe du dehors au dedans sans endroit où se « poser ».

A l’inverse, arrivé dehors, comment prendre en compte le passage d’un lieu à l’autre, entre ce qui est privé et ce qui est collectif, entre ce qui est personnel et ce qui est commun, entre l’invité et le quotidien. En fait, il y a une séquence des espaces qui fait que la maison est une petite ville et la ville une grande maison :

L’intimité familiale, dans le logement et dans la cour, dans le jardin.

Le bon voisinage, dans des petits espaces équipés pour se retrouver, à côté des portes des maisons. Ces accès sont conçus pour être plus que de simples espaces de circulation distributive, mais aussi des espaces intermédiaires, suffisamment grands pour offrir de l’espace extérieur partagé, le pas de porte.

La communauté dans l’unité d’habitation : des terrains de jeu, des jardins partagés, des relais pour les courses quotidiennes, l’accueil des visiteurs, des garages et des espaces verts réservés aux piétons.

La socialité de rapports et de fonctions, dans le quartier : à la maison de quartier, au cinéma, au marché, à l’école primaire, la maternelle, la crèche, la maison des parents, le coworking, le bureau de voisinage, les makers, les fablabs… 

Le plaisir et l’investissement les plus importants se déploient dans les sites où précisément la relation entre individuel et collectif n’a pas été posée dans une opposition mais dans un «étagement » d’espaces qui assurent une transition entre la sphère privée et la sphère résidentielle.

Les pratiques que peut générer une habitation, l’investissement qu’elles peuvent susciter, sont absolument déterminés par les espaces qui se déploient en dehors d’elle.

Créer une organiCité : L’habitation est multiple dans ses lieux.

L’intime au niveau de l’habitation c’est la chambre, par contre au niveau d’un groupement de maisons, cela sera l’habitation.

Ce groupement de maisons, en ce qui concerne l’intimité, doit aussi être vu comme une plus grande maison par rapport au quartier, par rapport à la ville ; Ce groupement de maisons doit donc être multiple dans ses lieux et ne doit pas être conçu comme une juxtaposition de maisons – de la même manière qu’une maison n’est pas une juxtaposition de chambres…..

Retrouver une certaine urbanité

D’espace d’échanges sociaux, la rue est devenue voie de circulation et source de nuisances ; artère fonctionnelle canalisant les flux, elle n’a plus l’attrait de la confrontation et de l’échange social.

Pour pallier à sa dévalorisation, il est important de recréer cette relation qui n’existe plus, en inscrivant le groupement d’habitat dans un espace de vie sociale effective.

Le lotissement – une réponse peu satisfaisante au sentiment d’habiter.

Habiter un lieu … être de quelque part.

La sensation d’occuper un lieu ou « d’habiter » n’est pas lié à la propriété ni directement au temps passé à cet endroit ; elle peut s’apparenter à la notion d’appartenir.

La sensation d’un lien avec un lieu est liée à la capacité que l’on peut avoir de « porter attention » à l’espace environnant qu’il soit construit ou naturel, qu’il soit social ou culturel.

Les maisons individuelles en lotissement consomment mal l’espace ; le résultat par rapport aux envies et aux rêves n’est pas là. Même si on y maîtrise tout notre quotidien, on y perd l’usage du collectif et des communs de la vie courante. Pourquoi s’en contenter ?

Quelles réponses aujourd’hui ?

Au début du siècle dernier, en France, avait été expérimentée l’idée de cités-jardin qui sont des lotissements où l’usage est concerté et pris en compte collectivement, où les habitations et la voirie s’intègrent aux espaces verts publics ou privés. Elle désigne un ensemble d’habitations individuelles ou collectives groupées avec aménagement paysager et jardin autour de l’habitat. Elle comprend, dans la plupart des cas, des équipements collectifs et communs, ce qui la distingue d’un simple lotissement ou d’un ensemble de logements sociaux classique, où la rentabilité du mètre carré est confinée à l’hébergement, au logement et où le propriétaire a perdu son âme.

Aujourd’hui la réponse se trouve dans tout ce foisonnement aux intitulés multiples que sont les habitats, coopératifs, participatifs, partagés, inclusifs , solidaires, transitionnels etc….

Ils portent tous deux intentions essentielles indissociables: une redistribution des espaces entre espace privatif, espace commun partagé, espace d’activité et espace collectif ouvert – et une gouvernance partagée qui donne autant de poids aux droits patrimoniaux qu’aux droits d’usages.

Les modalités de mise en œuvre ne sont pas faciles. Les freins culturels et juridiques sont nombreux. Et pourtant c’est une des manières évidente pour reprendre le pouvoir sur sa vie en se donnant en plus les moyens du vivre ensemble.

Politiquement, ce n’est pas la pauvreté des articles de la loi ELAN et de la loi ALLUR qui feront avancer les choses. Les modèles juridiques proposés par ces lois ne font que recopier sous d’autres formes ce qui existait déjà et qui ne convenait pas.

Aujourd’hui, c’est à vous, engagés au jour le jour dans un projet ou dans une réalisation, de dire vos difficultés, vos blocages et de faire émerger ces nouvelles formes d’habiter. Ensuite nous pourrons, grâce à vous, mettre en évidence les premiers freins et faire porter une loi de transition pour qu’enfin nous sortions, entre autres, d’un carcan où l’essentiel de notre vie consiste à prendre la voiture pour vivre.

Christian OLIVE

Coopérateur Occitanie

5 réflexions au sujet de “Abandonner la maison individuelle pour une organiCité de l’habitation

  1. J’ai connu la vie en immeuble jeune, par obligation financière au début de ma carrière professionnelle. Mon rêve alors était de m’échapper de cette fourmilière pour vivre en maison individuelle.
    Ce que vous imputez aux bienfaits de la vie collective en immeuble peut également s’appliquer à la vie en lotissement, il suffit que ceux ci soient conçus pour la vie en communauté. Dans les lotissement, c’est le cas là où je réside, il y a des lieux avec des jeux réservés pour les enfants, un terrain de boules et un terrain pour jouer au basket, lieu de rencontre de tous les ados du quartier. La fête des voisins chaque année est aussi une solution de socialisation qui fonctionne très bien . Vivre dans une barre d’immeuble doit être un choix pas une obligation. Et si cela est un choix indépendant du choix économique ou d’éloignement de son lieu de travail, il n’y aura plus beaucoup de candidats, la plupart des familles rêvant de vivre en pavillon avec son coin de jardin et son barbecue…a partager avec ses voisins quand il fait beau!
    Je reconnais que les lotissements empiètent sur la nature, mais mis à part limiter la croissance des population, votre solution n’ a aucune chance d’être un rêve pour les citadins et nous n’avons pas un régime soviétique pour l’imposer. A part pour ceux qui ont les moyens d’ habiter dans des immeubles de luxes , vous n’êtes pas prêts de convaincre les français de l’intérêt de vivre en immeuble !
    Ne a la campagne, je n’aurais jamais pu mener une vie heureuse en immeuble qui pour moi ressemble plus à la vie d’ une fourmilière qu’à un lieu de vie choisie.
    Et cela vous fera bondir, mais j’ai murement choisi de faire beaucoup de kms en voiture pour travailler, mais vivre a la campagne , pour ne plus habiter dans un immeuble et ne plus utiliser les transports en communs pour aller travailler.

  2. La clef d’un habitat coopératif ou participatif réside dans les mentalités et les états d’esprits individuels : Si chacune et chacun a une envie de collectif, de commun, de coopératif et d’inclusif , alors la transformation de nos habitats se fera inéluctablement … A la base c’est donc une question d’éducation .

  3. Bonjour
    Pour avancer sur le sujet, je conseille de vous intéresser à l’histoire du Familistère de Guise (sur Wikipédia entre autres)

  4. Il est vrai qu’au regard de l’histoire, l’intimité était un luxe, … plusieurs génération à dormir dans une même pièce, voir le même lit… l’éducation vers habitat collectif va prendre du temps.
    Je vais aller revoir les idées de Le Corbusier.
    Mais n’y a-t-il pas la possibilité d’amener le collectif au lotissement?

  5. Bonjour
    je trouve que de cheminer vers de l’habitat moins gourmand en déplacements (il faut économiser l’énergie) et moins gourmand en terrains (il faut économiser les terres en vue d’une agriculture nourricière) est une idée excellente et à travailler.
    il serait intéressant de faire connaitre les expériences d’habitat collectif « volontaire » comme à Fribourg en Brisgau, et d’étudier sérieusement les problèmes qu’ils rencontrent actuellement, le lieu ayant maintenant environ 20 ans (peut-être plus), le familistère dont parle quelqu’un ci-dessus aussi.
    Nous (avec mon mari et mes enfants maintenant adultes) avons habité successivement le collectif en HLM, la maison individuelle dans un village mais pas en lotissement, et nous sommes revenus (sans enfants) en collectif d’un standing relatif (niveau gamme moyenne).
    Dans notre premier collectif , il y avait encore un gardien dans l’immeuble et c’était important. Mais ce sont des « coûts ».
    Actuellement je constate que le plus difficile est que les gens veulent être tranquilles, et qu’on ne les voit pas. Et cet anonymat génère des nuisances (poubelles mal triées, petites incivilités) Quand il y a quelque chose on ne sait jamais qui est responsable. Il faut alors créer des contacts et ce sont toujours les mêmes qui le font. Qui vient au Conseil syndical ? nous ne sommes pas nombreux.
    De plus dans les immeubles, nous avons beaucoup de charges: un ascenseur coute cher, ça fait hésiter les gens.
    Mais il y a aussi nos députés, qui votent allègrement des lois (contrôle des ascenseurs, accès PMR, obligation des appels d’offres pour les travaux etc) qui contribuent à augmenter le cout des charges. A cela il faudrait réfléchir si on veut ramener les gens vers le collectif.

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