Territoires zéro chômeur de longue durée »

Présentation du projet initié par le réseau Emploi-Formation d’ATD Quart Monde

Un emploi un droit

Des choix économiques qui entretiennent la précarité

Le projet proposé par ATD Quart Monde s’inscrit dans un pays où les choix d’organisation économique permettent à une majeure partie de la population d’obtenir un emploi et de vivre dignement mais où, dans le même temps, ces choix privent durablement plusieurs millions de personnes d’emplois ou les contraignent à accepter des emplois précaires dans des conditions qui ne permettent pas une existence digne.

Il est une réponse au manque d’emplois : en France, entre 2 et 3 millions de personnes sont concernées par cette situation.

Représentant une grande diversité sociale et culturelle, ces personnes ont des compétences, des savoir-faire, certaines ont occupé des emplois à différents niveaux de qualification, mais elles sont aujourd’hui sélectionnées négativement par un système économique qui considère qu’en dessous d’un certain seuil de productivité, elles ne sont pas employables, faute d’être suffisamment « rentables ».

Par ailleurs, si les emplois manquent, ce n’est pas le travail qui manque. L’observation et l’expérience montrent qu’il existe une multitude de besoins non satisfaits et de travaux utiles à la société qui aujourd’hui ne sont pas ou plus réalisés, simplement parce qu’ils ne sont que partiellement solvables, et donc insuffisamment lucratifs pour le marché classique.

Enfin, ces choix économiques et politiques font que, là où les personnes demandent un emploi, elles obtiennent des allocations de solidarité qui ne font qu’entretenir ou accroître leur précarité. Or une étude macro-économique réalisée par ATD Quart Monde évalue le coût pour la collectivité nationale du chômage d’exclusion à un peu plus de 15.000 euros par personne et par an. Il serait possible et suffisant de rediriger ce coût pour financer les emplois manquants en assurant de bonnes conditions de travail.

Face à ce défi global, une proposition locale, territoriale, complémentaire et optionnelle

Si à long terme, cette proposition a une envergure nationale, elle s’inscrit d’abord dans une dynamique de petits territoires qui feront le choix politique d’opter pour une organisation économique n’excluant personne : ainsi, à l’échelle du territoire (commune, communauté de communes, quartier), il s’agit de proposer à toutes les personnes privées durablement d’emploi et qui le souhaitent, un emploi en contrat à durée indéterminée au SMIC, à temps choisi, et adapté à ses compétences. Le projet repose donc sur la création et le financement d’emplois nouveaux à proportion des besoins de la population (plutôt que sur le seul soutien à l’accès aux emplois existants qui montre aujourd’hui ses limites face à la pénurie d’emplois). L’emploi est ainsi considéré comme un filet de sécurité et, autant que possible, comme un tremplin : le territoire donne à ses habitants l’assurance d’obtenir un emploi au SMIC à temps plein s’ils le souhaitent, et de bonnes conditions de travail. Actifs au sein de la société, ils seront mieux considérés par leurs futurs employeurs et par leur environnement qu’en étant « très éloignés de l’emploi », et le territoire y gagnera en dynamisme économique et « mieux-être » social. Il s’agit donc de réaliser un investissement économique et social.

Les exigences du projet impliquent que seuls des territoires motivés, dont l’ensemble des acteurs politiques et économiques sont volontaires, opteront pour cette possibilité d’organisation économique complémentaire. Celle-ci se structurera autour d’entreprises conventionnées – à créer ou existantes – à but d’emploi et non lucratives qui auront pour objectif premier la création d’emplois à hauteur des besoins du territoire. Leur démarche sera à l’inverse et par conséquent complémentaire des entreprises « classiques » : à partir des compétences et souhaits de toutes les personnes concernées, sans sélection, les entrepreneurs rechercheront, parmi l’ensemble des travaux utiles répondant aux besoins des divers acteurs du territoire (habitants, entreprises, institutions…), ceux qui correspondront aux savoir-faire de celles-ci. Ces travaux, partiellement solvables et par conséquent non concurrentiels avec l’économie de marché, sont multiples et de tous ordres. Ils seront certainement, en grande partie, ceux qui dessineront une économie « douce », du « prendre soin » : prendre soin de l’écosystème, prendre soin de la personne, prendre soin de la « relation à ». Ils seront financés en partie par la réaffectation des coûts et manques à gagner dus à la privation durable d’emploi. Il s’agira donc du transfert d’un budget existant et pérenne sans coût supplémentaire pour « l’entreprise France », l’autre partie du financement étant constituée du chiffre d’affaires réalisé par la vente des travaux semi-solvables effectués.

Dans ces entreprises les personnes seront d’abord en emploi. Elles se formeront dans l’emploi et resteront disponibles pour être recrutées par les entreprises « classiques », à condition que l’emploi proposé offre des conditions permettant de vivre dignement.

Un comité local réunissant tous les acteurs concernés, permettra de piloter l’expérimentation. Un fonds de financement de l’expérimentation, organisme privé, sera habilité par la loi à recevoir les coûts du chômage de longue durée pour financer les emplois nouveaux à proportion des besoins identifiés sur le territoire. Il suscitera le conventionnement d’entreprises chargées de créer ces emplois (SA, SCOP, SCIC, association, ). Une charte encadrera la lucrativité de celles-ci par un mécanisme de mutualisation des éventuels bénéfices nets au sein du fonds. Ces emplois ne devant pas conduire à des effets d’aubaine, il sera nécessaire d’assurer une parfaite étanchéité avec le secteur concurrentiel en ciblant la réalisation de travaux semi-solvables à l’image des chantiers d’insertion.

Expérimenter

Le projet dans son ensemble comprend deux grandes étapes, nécessaires pour assurer une construction solide et durable de la démarche.

La première étape (mise au point) consiste à mettre en œuvre le projet sur quelques territoires volontaires, dans le cadre de la loi de 2003 autorisant les collectivités à expérimenter en dérogeant à la législation en vigueur. Il faut pour cela définir le cadre dans lequel s’inscrit cette expérimentation, ce qui nécessite le vote d’une loi d’expérimentation.

L’objectif de cette première étape de 5 à 7 ans est de démontrer la faisabilité économique et pratique du projet, d’en « régler » les modalités de mise en œuvre.

A l’issue de celle-ci, un nouveau cadre légal devra être établi permettant, dans une deuxième étape (généralisation), à toute collectivité d’opter pour la suppression du chômage de longue durée sur son territoire.

Responsable du projet : Patrick Valentin

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